Mai 68 en livres 2018

Mai 68, c’était il y a 50 ans…

Avouons-le, c’est à reculons qu’on a abordé ce 50ème anniversaire.
Quoi de plus étranger à notre Mai 68 que l’idée de
commémoration ?

En 2008, la brutalité grossièrement réactionnaire de Sarkozy avait obligé à réagir… Pour défendre Mai 68 !

Mais 50 ans après, et face à Macron, lequel copine ostensiblement avec Cohn-Bendit et Goupil, qu’est-ce qui mérite d’être dit ?

Nous n’étions pas loin de partager le coup de gueule d’Alexandre Lacroix : « J’en ai assez de prêter l’oreille à la légende dorée que radotent les vétérans des barricades » (1).
Pourtant, ce propos s’avère faussement provoquant. Car, contre toute attente, la
« flopée d’ouvrages » et la multiplication de débats ne relèvent pas du radotage…

Certes, regret d’une jeunesse perdue oblige, on n’échappe pas toujours à une légitime nostalgie. Et, surtout, le narcissisme s’avère difficile à conjurer. Mais c’est autre chose qui s’est dessiné… Une réelle interrogation sur ce qu’en mai 2018 peut (encore ou déjà) nous dire Mai 68… Interrogation très paradoxale, qui elle-même interpelle !

Précisément parce qu’on ne saurait être dans la commémoration. Les souvenirs de Mai 68 n’ont pas à être « rappelés« . Soit ils sont intacts, soit ils n’intéressent pas vraiment.

A cinquante ans on porte son âge. Le temps est venu que prennent le relais les historiens attachés à travailler sur les archives. D’où l’importance prise, notamment, par l’ouvrage de Ludivine Bantigny 1968. De grands soirs en petits matins.

Par ailleurs, dans la floraison de témoignages, mémoires et autobiographies, il semble que se trouvent écartés certains enjeux qui avaient dominé les précédents rendez-vous mémoriels. En particulier le devoir d’opposer aux efforts réitérés de ses fossoyeurs la fidélité à l’événement. Même si se voit confirmé le constat répété que nombre de repentis se montrent toujours aussi prolixes dans la confession de leurs illusions et fautes de jeunesse… Et que demeure ouverte la question de savoir si Mai 68 ce fut d’abord la rébellion étudiante ou le soulèvement gréviste, au risque de sacrifier l’un à l’autre.

Un élément central de cet anniversaire est qu’on ne peut ignorer qu’aujourd’hui nous sommes dans une situation radicalement différente. Edgar Morin le dit à sa manière : « Nous sommes entrés dans une période historiquement régressive » (2). En quelque sorte le contraire des années 68 !

Avançons une hypothèse de lecture des ouvrages qui envahissent les librairies. Ce contraste entre les deux périodes, tel un arc électrique, fait naître des réflexions intéressantes. En particulier des retours critiques sur des vies politiques qui furent marquées par l’expérience bouleversante de Mai 68… Et aussi, ou du même coup, une actualisation, déconcertante, de la question du pouvoir.

Cette question fut-elle sérieusement posée en 68 ?

Peut-être contrecoup d’une réponse négative qui s’avère largement partagée, comment pourrait-elle l’être dans la période contemporaine ?

Et rebondissent d’autres questions. A quel pouvoir pense-t-on ? Voire de quoi pouvoir est-il le nom ?

Ainsi se trouvent libérées des questions sous-jacentes autrement troublantes : cet événement, que fut-il ? Quelle unité ou combinaison entre ces deux dimensions, mouvement de la jeunesse étudiante et soulèvement ouvrier ?

(1) : in Le Monde, 20-21 mai 2018, « Pourquoi je n’ai pas envie de commémorer Mai 68 ».

(2) : in Le Monde, 20-21 mai 2018.

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