Une course vers la mort ? Ce qu’on peut apprendre de la gestion de la pandémie au Brésil

Pour l’édition en portugais de son livre Contagion virale, Contagion économique, Risques politiques en Amérique latine, Pierre Salama a écrit une postface. En voici la traduction en français (une version abrégée est publiée dans ContreTemps n°49).

 

Des sommes considérables sont dépensées chaque année pour inventer de nouveaux vaccins dans les pays avancés, et c’est une bonne chose. Celles pour analyser les causes de l’apparition de nouvelles pandémies restent par contre insuffisantes. Les politiques publiques pour tenter de limiter, voire de réduire les dégâts causés à la nature sont loin de ce qui serait nécessaire pour inverser les tendances observées ces dernières décennies dans l’ensemble des pays, à quelques exceptions près. Comme souvent on peut le constater, la prévention n’est pas privilégiée, et les politiques pour s’opposer aux effets des pandémies prennent le pas sur celles nécessaires pour les prévenir. Ce n’est que depuis peu de temps qu’une certaine sensibilisation apparaît – particulièrement chez les jeunes – sur les rapports entre les dégâts imposés à la nature d’une part, la pollution, l’apparition de nouveaux virus d’autre part. Et pourtant depuis des années, voire des décennies les écologues, les climatologues préviennent des désastres à venir.

La déforestation de la forêt amazonienne qui se développe ces dernières années, encouragée fortement par le président Bolsonaro au Brésil, dans le but d’accroître les aires consacrées aux cultures d’exportation et d’exploiter les ressources minières, n’est pas sans conséquence sur l’apparition de virus et les changements climatiques d’une manière générale. On sait aujourd’hui que l’atteinte massive à la biodiversité modifie les équilibres. Moins de biodiversité accroît les possibilités que les espèces résistantes puissent transmettre des virus aux êtres humains, soit directement, soit indirectement en les transmettant à d’autres espèces en contact avec les humains [1]. A l’inverse, accroître la biodiversité, surtout là où elle a été fortement atteinte, diminue la probabilité qu’apparaissent de nouvelles épidémies, c’est ce que les écologues nomment « effet de dilution ». Certes, il ne s’agit pas ici d’affirmer que la responsabilité directe de l’apparition du SARS-COV-2, à l’origine de la pandémie actuelle, soit liée directement à la déforestation de la forêt amazonienne, mais d’insister sur les rapports de causalité entre l’atteinte à la biodiversité dans de nombreux pays et l’apparition de virus. La réduction de la biodiversité et ses conséquences néfastes sur la nature et sur les êtres humains par voie de conséquence sont liées à la fois aux modes nouveaux de consommation et à la globalisation dont le rythme de croissance s’est accéléré jusque 2008. Les épidémies ont été multipliées par dix depuis 1940[2] selon Serge Morand, éco­logue au Centre de coopération internationale en recherche agro­nomique pour le développement (Cirad). Sans pour autant adhérer à certaines modes catastrophistes ni aux thèses de la décroissance, la crise actuelle appelle des mutations dans nos modes de produire, de consommer, de commercer en privilégiant les circuits courts, le respect de la biodiversité, et dans le cas du Brésil, préserver la grande forêt, et d’autres régions menacées par la diminution de la biodiversité au profit de la mono-culture.

Le 15 mars 2021 le nombre de décès dépasse 277 000. Le gouvernement prévoit 3 000 décès par jour et le seul espoir d’enrayer cette déferlante de morts est la vaccination massive qui à l’heure où nous écrivons ces lignes est encore poussive faute de vaccins suffisants. Elle pourrait cependant s’accélérer avec la production locale de vaccins attendue.

Les données sur le nombre de décès sont plus ou moins fiables. Au début de la pandémie, elles ne l’étaient pas, nous l’avons souligné. Ensuite, elles sont devenues plus faibles. Si on considère le nombre de décès par million d’habitants       au 3 mars 2021, selon John Hopkins Unversity, le nombre de décès est de 1251, moins que le Mexique, 1459, le Pérou, 1430, et moins que les États-Unis, 1541, la Belgique, 1925, le Royaume Uni, 1836, très proche de la France, 1279.  Le 8 mars 2021 le cap de 700 000 décès est franchi pour les 34 pays d’Amérique latine, dont les deux tiers affectent le Brésil et le Mexique.

Figure 1: Covid-19 au Brésil: décès confirmés en 24 h. et moyenne mobile sur 7 jours

Source: Ministere de la santé in Poder 360

 

I. Ce que cette pandémie révèle

  1. D’une manière générale, dans tous les pays, les seniors sont plus vulnérables au virus que les jeunes. Les personnes souffrant de comorbidité sont plus atteintes que celles en bonne santé. Les pauvres sont également plus vulnérables que les populations plus aisées, leur espérance de vie est plus faible que celle des classes moyennes et a fortiori des catégories riches. Enfin, les Noirs, les Indiens, plus souvent pauvres que les Blancs, sont plus atteints que les Blancs dans les pays avancés et en Amérique latine[3].

Aux États-Unis, la mortalité est proportionnellement plus élevée chez les Noirs que chez les Blancs. Selon le Financial Times, qui s’appuie sur les données américaines du service de santé local, les Noirs (généralement plus pauvres que les Blancs) sont beaucoup plus touchés que les Blancs, proportionnellement à leur population, dans la plupart des grandes villes et des États. A Chicago, 70% des décès dus au Covid sont concentrés dans la population noire, qui représente un tiers de la population, et dans le Michigan, 40% des décès pour une population noire qui ne représente que 14% de la population totale. Ils ont également un accès minimal à la vaccination, du moins à l’époque de la présidence de Trump.

En Amérique latine, l’insuffisance de lits de réanimation dans les hôpitaux publics, le manque d’oxygène au Brésil, au Mexique et dans d’autres pays réduit les chances de guérison, voire de survie de ceux qui sont atteints par le virus. Cette insuffisance est la conséquence des choix passés visant à ralentir l’augmentation des dépenses publiques en santé alors même que l’espérance de vie augmente et que les besoins en santé croissent d’autant. Elle est aussi la conséquence des politiques visant à favoriser les hôpitaux privés relativement aux hôpitaux publics. Elle renforce les inégalités face au virus, les pauvres ayant surtout accès aux hôpitaux publics.

Les dépenses consacrées à la santé, publiques et privées, en Amérique latine sont très différentes d’un pays à l’autre. En pourcentage de leur PIB respectif, elles sont plus élevées en Argentine, au Brésil, en Uruguay que dans les autres pays[4]. En 2020, les dépenses en santé totales (publiques, privées et des ménages[5]) étaient pour le Mexique de 7,3% de son PIB (40% de cette dépense totale sont des dépenses de dites de bolsillo), 9,4% du PIB en Argentine (dont 18% de bolsillo) et 9,3% du PIB brésilien (dont 20% de bolsillo). Le nombre de lits d’hôpital par 1 000 habitants s’élevait à 5 en Argentine, 2,3 au Brésil et 1,3 au Mexique et le nombre de médecins par 1 000 habitants était de 4 en Argentine, 1,8 au Brésil et 2,4 au Mexique selon Cetrángolo e Goldschmit[6] à partir des données de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale de la santé. La fragmentation des systèmes de santé, l’importance relative des dépenses de bolsillo accentue en général les inégalités au détriment des plus pauvres les rendant encore plus vulnérables qu’ils ne le sont.

L’incapacité de répondre à la demande élevée de masques, de blouses pour le personnel de santé, de produits pour faire des tests ou bien encore d’appareils respiratoires et d’oxygène, lorsque surgit la pandémie, explique également la difficulté croissante des hôpitaux de soigner les plus atteints et de protéger contre la pandémie. Cette incapacité s’explique en grande partie par la dépendance croissante vis-à-vis des pays asiatiques pour toute une série de médicaments et d’équipements, et au final par le processus de désindustrialisation qui caractérise la plupart des pays latino-américains et particulièrement le Brésil.

 

Vulnérabilités structurelles à la pandémie différentes selon les pays européens

Dans la plupart des pays européens, le virus SRAS-CoV-2 a infecté un « corps malade ». Un corps qui était déjà malade ? Oui, malheureusement. Depuis la fin des années 1970, le taux de croissance du PIB par habitant sur ce continent a été en moyenne assez modeste, contrairement aux années d’essor qui s’étendaient de l’après-guerre aux années 1970 et les inégalités sociales se sont en général accentuées. La comparaison entre la France et l’Allemagne est instructive.

La France paie un lourd tribut au virus, d’abord parce qu’elle dispose de moins de réserves financières et d’une capacité de réaction rapide à la demande accrue de masques, de médicaments spécifiques, de respirateurs, conséquences d’une désindustrialisation importante des vingt dernières années, et de lits d’hôpitaux de réanimation que l’Allemagne. Elle souffre également davantage parce qu’elle s’est spécialisée dans les secteurs de l’aviation et du tourisme, secteurs qui ont été particulièrement touchés par l’arrêt de la production et la fermeture des frontières. Le secteur de l’aviation a été pratiquement paralysé par la fermeture des frontières et la quasi annulation des vols intercontinentaux. Le tourisme, source de devises et d’emplois (hôtels, restaurants, voyages, concerts et autres activités culturelles) a également été profondément touché. Les touristes nationaux, qui voyagent désormais peu à l’étranger, ne compensent pas le manque de touristes étrangers. Ces deux secteurs fortement atteints expliquent en bonne partie la chute du PIB, une des plus importantes parmi les pays européens, et la détérioration de la balance des comptes courants. L’Allemagne, en revanche, disposant d’un tissu industriel plus solide et beaucoup moins touchée par le processus de désindustrialisation qu’ont connu les autres pays européens, a été plus à même de répondre par sa production nationale à l’augmentation des demandes spécifiques générées par la pandémie, à l’exception toutefois de certains médicaments. La forte baisse des exportations industrielles entraîne certes une baisse de sa croissance, mais moins importante que celle de la France. Cela est dû à la fois à sa plus grande résilience et à sa plus grande capacité financière à mener des politiques d’aide aux entreprises, directement ou indirectement, par le biais de prêts garantis par l’État.

 

  1. Pourquoi insister sur les clusters ? parce que ceux-ci mettent en lumière la responsabilité particulière des gouvernements dans la diffusion de la pandémie lorsqu’ils pratiquent une politique du déni et refusent de prendre des mesures pour protéger leur population. Plus précisément leur responsabilité, sans être la seule, est grande dans l’apparition de ces clusters, lorsqu’ils s’opposent à des politiques de distanciation sociale, de ports du masques, d’hygiène et souvent de aux mesures de confinement prises par des gouverneurs. Les études des démographes aujourd’hui le montrent nettement.

On pourrait penser que les régions où le pourcentage de personnes âgées, de pauvres, de noirs, etc., seraient parmi les plus affectées. Une étude récente du démographe Le Bras[7] montre qu’il n’y pas de corrélation entre ces variables, prises une par une et le pourcentage de décès que ce soit dans des régions ou bien dans des départements en France et pour trois autres pays européens analysés. Les régions, départements, où le pourcentage de personnes âgées est le plus important en France ne sont pas celles qui sont les plus affectées en termes de décès. Il en est de même pour les autres variables. Ces résultats semblent aller à l’encontre des vulnérabilités observées.

Ce n’est qu’une contradiction apparente. En fait, ainsi que nous l’avons souligné dans notre livre (op.cit.), ce qui est premier est l’apparition des clusters au sein de quelques états, régions et départements. Il peut y avoir un fort taux de mortalité dans une ville, un quartier mais dans l’ensemble du département, de la région, le taux moyen de mortalité peur être faible, la diffusion, la contagion n’ayant pas nécessairement lieu. Il y a donc une profonde hétérogénéité au niveau national, au niveau régional et au niveau départemental. Mais lorsque le cluster se développe, alors les pauvres, les personnes âgées sont les plus touchées et décèdent le plus. La contagion est sélective dans ses effets les plus délétères (la mort), à savoir : elle atteint surtout (mais pas seulement) les pauvres, ceux qui ont de forts taux de comorbidité, ceux qui vivent dans des conditions sanitaires problématiques (surpopulation par mètres carrés, accès à l’eau).

Insister sur les clusters et leurs conditions d’apparition est important. Raisonnons à contrario. Si on affirme que la pandémie atteint les plus pauvres, etc, on ouvre la voie à une fatalité. Il n’y a pas grand-chose à faire car on ne peut pas supprimer la pauvreté du jour au lendemain. Mais si on montre que se forment en premier des clusters et qu’au sein de ces clusters se sont les pauvres etc, qui sont les plus atteints, alors on souligne la responsabilité des pouvoirs publics de n’avoir pas su ou voulu prendre des mesures de contention de la pandémie et d’apparition de clusters. Une politique de distanciation sociale, de ports du masque, d’hygiène (se laver les mains fréquemment) constitue en effet un rempart efficace face au surgissement de la pandémie. Une politique de tests et d’isolement est également efficace quand apparaissent les premiers clusters. Si elle n’est pas préconisée, pire, si le gouvernement lutte contre ce type de mesure, alors leur responsabilité et celle du président est grande.

Ces politiques sont difficiles à mettre en œuvre à cause des conditions d’habitat des pauvres (pourcentage élevé de personnes par mètre carré, accès à l’eau parfois largement insuffisant), des nécessités pour les plus démunis de travailler (mourir de faim en étant confiné, ou mourir en travaillant, dans les transports publics), le port du masque enfin, outre son coût et son indisponibilité relative au début de la pandémie, se heurte aux pratiques culturelles (l’Amérique latine, mais aussi les pays avancés, n’ont pas les mêmes « histoires » que les pays asiatiques). Mais ce n’est pas parce qu’elles sont difficiles à mettre en œuvre, qu’il ne faut pas le faire. Or la politique préconisée par le gouvernement fédéral et plus particulièrement par le Président de la République, relayée par nombre d’églises évangéliques et de militants « bolsonoristes » a été de minimiser cette pandémie, de rejeter ces mesures préventives, de s’opposer aux gouverneurs des états, lorsque ceux-ci cherchaient à freiner l’essor de la pandémie[8]. Une telle attitude, qui n’est pas sans rappeler celle de Trump, a favorisé l’évolution dramatique de la pandémie. Les clusters se sont développés beaucoup plus facilement que si une autre politique, opposée aux dénis, avait été mise en place. De même que Trump, le président Bolsonarao est grande partie responsable de l’hécatombe. Certes leur responsabilité n’est pas la seule. Le nombre de décès, la vitesse à laquelle se propage la pandémie dépend aussi de l’apparition de nouveaux variants du virus, toute choses étant égales par ailleurs. Le virus dit brésilien, bien plus contagieux que les précédents, apparu à Manaus a sa part de responsabilité, toute choses étant égales par ailleurs.

Pour autant, la relation entre l’échec des politiques sanitaires et la crédibilité politique est loin d’être linéaire. Les personnes les plus affectées, pour diverses raisons (influence des églises évangéliques, niveau d’éducation faible, complôtisme, image profondément négative des élites et de leur corruption, besoin de croire plutôt que de raisonner) peuvent plus ou moins continuer à appuyer les responsables de ces politiques lorsque celles-ci ont une responsabilité dans l‘accumulation des décès. Ainsi, 49,7% de la population pense que Bolsonaro n’est pas responsable du nombre de morts par Covid-19 (Poder 360, 22 février 2021, selon les sondages réalisés par le CNT). Selon les données de Poder data du 9 décembre 2020, la politique générale du gouvernement du président Bolsonaro était approuvée par 43% des brésiliens et désapprouvée par 46%, 11% ne se prononcent pas. Ce sont ceux dont la scolarité est la plus faible qui l’approuvent le plus.  40% de ceux dont le revenu est en deça de deux salaires minimums l’approuvent contre 47% qui désapprouvent et ceux dont le revenu se situe entre 2 et 5 salaires minimums l’approuvent à 46% contre 47% qui désapprouvent. A partir de 5 salaires minimums le pourcentage de brésiliens qui approuvent chute, la baisse est encore plus prononcée pour ceux qui reçoivent plus de dix salaires minimums.

Ces données sont cependant à nuancer, la réponse à une question dépend souvent de la manière dont est formulée la question. L’institut Traversia de Sao Paulo, révèle que 61% des brésiliens n’ont pas confiance dans les capacités du Président de gérer la crise sanitaire contre 31% qui lui accordent cette capacité (sondage du 16 et 17 février 2021, dans O Valor 26 février 2021). Selon le même sondage, 50% des brésiliens désapprouvent l’action du Président en mars 2020, 56% en juin 2020 et 59% en février 2021 et pour les mêmes dates le pourcentage des brésiliens approuvant est de 28%, puis 30% et enfin 31%, le pourcentage de ceux qui ne se prononcent pas régresse mais demeure à un niveau élevé (22%, 9%, 10%). La confiance vis-à-vis des gouverneurs des états baisse entre ces dates mais elle demeure largement supérieure à celle dont bénéficient le président. Aux mêmes dates en effet, le pourcentage des brésiliens qui évaluent positivement la politique de leur gouverneur passe de 58% à 55% puis 54% et celle qui désapprouvent est de 32%, puis 31% et enfin 40% avec la remontée de la pandémie.

 

De quelques perles criminelles de Bolsonaro sur la pandémie[9]

Poder 360 a sélectionné 10 phrases de Bolsonaro tout au long de l’évolution de la pandémie

:9 mars 2020 – « Surdimensionné » – 25 cas cumulés et 0 décès

 » Le pouvoir destructeur de ce virus est surdimensionné. Peut-être même est-il potentialisée par les questions économiques », a déclaré le président lors d’un voyage aux États-Unis.

20 mars – « Gripezinha » (grippette) – 904 cas cumulés et 11 décès

Il a déclaré que ce ne serait pas une « grippette  » qui le ferait tomber après avoir été poignardé en 2018. Il a également utilisé ce terme dans une déclaration le même jour.

26 mars – « Un Brésilien saute dans un égout et rien ne se passe » – 2 915 cas cumulés et 77 décès

Le président Jair Bolsonaro a déclaré à son arrivée à la résidence officielle du palais d’Alvorada que les Brésiliens doivent être « étudiés » car ils sont capables de sauter « dans les égouts » sans qu’il ne leur arrive rien.

20 avril : « Je ne suis pas un croque-mort » – 40 616 cas cumulés et 2 584 décès

Le président Jair Bolsonaro a refusé de répondre à la question d’un journaliste concernant le nombre de personnes tuées par la Covid-19 au Brésil : « Je ne suis pas un croque-mort », a-t-il déclaré.

28 avril : « Alors, que veux-tu que je fasse ? – 72.149 cas cumulés et 5.050 décès

Bolsonaro sur le record de décès par covid à l’époque : 5.017 le nombre total de décès provoqués par la maladie ce mois-là.

19 mai – « Chloroquine » et « Tubaïne » – 271 628 cas cumulés et 17 971 décès

Le Président de la République a accordé une interview au journaliste et blogueur Magno Martins. Il a fait un jeu de mots en conseillant aux personnes identifiées à droite d’utiliser de la chloroquine, tandis que celles de gauche devraient « prendre de la tubaína » (PS : boisson végétale).

2 juin – « Nous pleurons tous les morts, mais c’est le destin de tous » – 555 383 cas cumulés et 31 199 décès

M. Bolsonaro a prononcé cette phrase après qu’un partisan lui a demandé un mot de réconfort pour les familles en deuil.

7 juillet :  » C’est comme une pluie, elle va vous frapper  » – 1 668 589 cas cumulés et 66 741 décès.

Lors d’une interview qui a révélé qu’il avait été testé positif au Covid-19, M. Bolsonaro a déclaré qu’une grande partie de la population serait touchée par le coronavirus. Il a déclaré que le virus est comme « une pluie ».

10 novembre – « Queer country » – 5.700.044 cas cumulés et 162.829 décès.

Le président Jair Bolsonaro a déclaré que le Brésil devait cesser d’être un pays de « pédés » – un terme péjoratif pour désigner les homosexuels.

17 décembre –  » Si je prends un vaccin et que je me transforme en alligator, je n’y suis pour rien  » – 7 110 434 cas cumulés et 184 827 décès.

A l’époque, le président a de nouveau déclaré qu’il était contre la vaccination obligatoire contre la Covid-19 et a fait référence au vaccin de Pfizer. Il a déclaré que le contrat de l’entreprise pharmaceutique est clair dans la partie qui stipule que l’entreprise n’est pas responsable des éventuels effets secondaires causés par le vaccin.

5 janvier – « Le Brésil est brisé. Je ne peux rien faire » – 7.810.400 cas cumulés et 230.034 décès

Lors du premier jour de travail du président à Brasilia après les 8 jours de vacances à Baixada Santista, sur la côte de São Paulo, M. Bolsonaro a déclaré que le Brésil est « brisé » et qu’il « ne peut rien faire ». Il a également déclaré que le virus était « potentialisé par les médias que nous avons, par les médias sans caractère que nous avons », a-t-il dit à ses partisans devant le palais d’Alvorada.

22 janvier – « Ce n’est pas scientifiquement prouvé » dit Bolsonaro sur le Coronavac – 8.753.920 cas cumulés et 215.243 décès

Le président Jair Bolsonaro a déclaré qu' »il n’y a rien de scientifiquement prouvé concernant ce vaccin là », faisant référence au Coronavac. Cependant, la déclaration de Bolsonaro n’est pas exacte. L’efficacité et la sécurité de ce vaccin a été prouvée lors d’essais cliniques menés au Brésil.

Malheureusement etc etc etc

Même décroissante et inférieure à celle des gouverneurs, la confiance dont bénéficie le président en ce qui concerne ses capacités à gérer la crise sanitaire reste à un niveau relativement élevé, malgré le nombre de décès particulièrement élevé. Ainsi que nous venons de le noter, d’autres facteurs peuvent expliquer ces données en faveur de la crédibilité et de l’appui vis-à-vis du président : le fatalisme (« on ne peut rien faire »), la propagande des sectes religieuses et l’adhésion de nombre de pauvres à leur idéologie ou croyance (« il faut rechercher la responsabilité dans nos fautes personnelles, les décès étant la manifestation d’une expiation ») et surtout, comme nous le verrons, l’efficacité sociale et économique de la politique de redistribution des revenus vis-à-vis des plus démunis (« auxilio emergencial[10] »).

  1. La pandémie n’explique pas la crise, mais précipite une crise latente

La pandémie n’explique pas la crise, elle précipite une crise latente due à des décennies de relative stagnation économique caractérisée à la fois par des inégalités de revenus et de patrimoines considérables, par des vulnérabilités nouvelles (vis-à-vis des matières premières, vis-à-vis des importations remplaçant des segments de la production nationale, au-delà de ce qui était nécessaire pour assurer une croissance durable).

Il ne s’agit pas d’une crise de l’offre produite par le processus d’accumulation du capital. A l’exception de la production des biens essentiels à la survie, comme les aliments et les produits liés à la santé, la baisse de l’offre est une conséquence des décisions politiques de cesser de produire en réaction à la dissémination mondiale du virus, ou bien de ne plus être approvisionné à cause de la chute du commerce international et de l’impossibilité d’importer des inputs nécessaires à la poursuite de la production. Ce n’est donc pas une crise de suraccumulation qui a impliqué une baisse du taux de profit et, par conséquent, une crise générale.

Il ne s’agit pas non plus d’une crise de la demande, puisque la plupart des pays avancés ont adopté des mesures de soutien des salaires et des revenus (« chômage partiel ») pour la grande majorité des personnes confinées qui ne pouvaient pas télé-travailler. En d’autres termes, le revenu des ménages est loin d’avoir baissé autant que la production, grâce à ces politiques de soutien de la demande. S’il y a eu une augmentation du taux d’épargne des familles – principalement de la part de la classe moyenne – elle est due à la crainte légitime d’une explosion, dans un avenir proche, du chômage lorsque les gouvernements cesseront de financer aux mêmes taux le chômage partiel.

Du côté de l’offre, plusieurs mesures ont été prises. Bien que classiques, la portée de ces mesures va à l’encontre de la doxa dominante. Les mesures de soutien massif aux entreprises touchées par la suspension de leurs activités sont les suivantes : report ou réduction des salaires, subventions diverses, report du paiement de divers impôts et garanties de l’État pour les prêts. Elles sont aujourd’hui connues. Aussi nous insisterons sur les mesures de soutien à la demande qui au Brésil ont pris pendant quelques mois une ampleur inattendue.

a) Une chute du PIB moins élevée qu’attendue

Comme on pouvait s’y attendre le taux de croissance du PIB a été négatif en 2020. Mois contrairement aux projections, la baisse a été moins importante que prévue. En 2020, elle a été de – 4,1% selon les dernières estimations (3 mars 2020), plus faible en tout cas que celle qu’ont connue le Mexique ou l’Argentine, la moitié de celle de la France. Le PIB per capita baisse davantage que le PIB, soit – 4,8%. Celle-ci s’explique par la transition démographique (la population âgée de vingt ans et plus vient de familles plus nombreuses qu’aujourd’hui) et de l’allongement de l’espérance de vie. Cette baisse est la plus prononcée depuis 1981.

Qu’est-ce qui explique que cette chute soit moins importante que prévue ? La première cause est la décision inattendue du gouvernement, approuvée par le Congrès le 30 mars 2020 de créer un auxilio emergencial massif, à durée limitée dans le temps, pour les catégories modestes et pauvres de 600 réais par mois. L’auxilio a enrayé la chute du PIB et comme, nous le verrons ensuite, il a favorisé une légère redistribution des revenus en faveur des catégories les plus modestes de la population. Cette décision a permis de soutenir la demande, plus exactement de freiner sa baisse puisque la consommation des ménages a baissé de -5,5% alors qu’elle avait légèrement augmenté de 2,2% en 2019. Certes la consommation des ménages dépend surtout des revenus perçus – dont la baisse a été freinée par l’auxilio -, du crédit à la consommation et négativement de l’accroissement de l’épargne, mais au total on peut considérer que sans cet auxilio, le PIB aurait baissé plus fortement.

Le coût de cette aide a été de 4% du PIB en 2020 et explique en grande partie l’accroissement du déficit primaire (déficit avant le service de la dette publique du au paiement des intérêts). Celui-ci s’est élevé à -9,9% du PIB en 2020 contre -1,2% en 2019 m. La dette publique brute passe alors de 74% du PIB en 2019 à 89% en 2020. La hausse des prix s’accélère et ce sont les plus pauvres qui en paient le coût le plus élevé, le prix des produits alimentaires, principale composante  de leurs dépenses, croissant plus rapidement que l’indice général des prix. Au cours de l’année 2021, le taux d’intérêt de base (le Selic) devrait augmenter après avoir baissé ces dernières années. Et une contention des dépenses publiques est souhaitée par le courant le plus libéral du gouvernement.  La hausse accentue des prix, une contention des dépenses publiques, une insuffisance des aides renouvelées, l’incapacité de freiner la pandémie agiraient alors comme frein à une possible reprise économique, déjà bien fragile et une concentration des revenus accrue en faveur des plus riches, comme nous le verrons dans la seconde partie.

La seconde cause a été une remontée du cours des matières premières. Les cours du soja et du minerai de fer ont fortement augmenté (figure 2), les termes de l’échange se sont fortement améliorés, après avoir baisse au début de 2020 (voir figure 3), et la reprise nourrissant (un peu) la reprise, l’emploi formel a de nouveau augmenté au second semestre de 2020 après avoir fortement chuté.

Figure 2: Indice bradesco de « commodities », indice base 100 = jan. 2014

Source: IBGE et Bradesco

 

Figure 3 : Termes de l’échange du Brésil, indice

Source : Bloomberg et Bradesco

 

 

Tableau 1: Evolution de l’emploi formel net, Janvier 2020 – Janvier 2021

Source: Caged et Ministère de l’économie

 

Lorsqu’on considère enfin les différents secteurs de l’économie, les services ont davantage souffert que l’industrie.

 

b) Les perspectives pour 2021 ne sont pas très optimistes

L’évolution du PIB en 2020 a été fortement cyclique. Le PIB a fortement chuté entre le premier trimestre et le second trimestre 2020 et s’est redressé tout aussi fortement par la suite au point de presque retrouver à la fin du quatrième trimestre le niveau qu’il avait avant de chuter.

Tableau 2 : Evolution trimestrielle du PIB, 2016-2020, en%

16.1 16.2 16.3 16.4 17.1 17.2 17.3 17.4 18.1 18.2 18.3 18.4 19.1 19.2 19.3 19.4 20.1 20.2 203 20.4
-1.5 0.4 -0.6 -0.1 1.1 0.8 0.2 0.4 0.7 -0.1 0.9 -0.4 0.9 0.4 -0.1 0.4 -2.1 -9.2 7.7 3.2

Source : IBGE, comparaison avec le trimestre précédent

Tableau 3 : Evolution des composantes du PIB en 2020, en %

Agriculture 2
Industrie -3.5
Services -4.5
Consommation des familles -5.5
Consommation du gouvernement -4.7
Exportation de biens et services -1.8
Importation de biens et services -10
Formation brute de capital fixe -0.8

Source : IBGE

Cette évolution en forme de V a laissé penser que la reprise se prolongerait et que les pertes de 2020 seraient effacées dès 2021 si toutefois le taux de croissance atteignait un peu plus de 4%. Ce point de vue optimiste a peu de chance de se réaliser dans l’immédiat pour plusieurs raisons : la première est d’ordre structurel : l’économie brésilienne connait depuis une quarantaine d’année une tendance à la stagnation économique comme nous l’avons vu dans notre livre (op.cit.). Elle reste très fragile. Le rythme de croissance de la reprise a faibli dès la fin de 2020 et tout au long du premier trimestre 2021. Pour qu’une reprise sensible de la croissance durable puisse avoir lieu il faudrait que des mesures structurelles soient prises et que les aspects les plus vulnérables de l’économie comme la dépendance aux matières premières, les inégalités de revenus, la faiblesse des efforts en recherche et en éducation, soient surmontés. Les possibilités de renouer avec une croissance faible dépend 1/ du maintien de l’auxilio emergencial, or ce qui se discute au moment où nous écrivons est son maintien à un niveau beaucoup plus réduit qu’en 2020 et destiné à un pourcentage de la population plus faible ; 2/ de la poursuite à la hausse du cours des matières premières ; 3/ de la capacité à surmonter les effets désastreux de la pandémie, tant au niveau des décès que des maladies qu’elle génère et que des dépenses en santé insuffisantes n’ont pu freiner, bien au contraire ( cf infra)[11]

II- Les mesures prises, une surprise

Nous avons évoqué à plusieurs reprises la politique de soutien à la demande : « l’auxilio emergencial ».  Cette politique se rapproche de celle qu’on connait dans les pays avancés dite du chômage partiel. Elle s’en différencie cependant. La politique d’aide décidée dans les pays avancés a eu pour objectif certes d’aider les salariés, les entrepreneurs contraint au  « non travail » en leur versant une part importante de leur salaire ou de leurs revenus. Le revenu, quel que soit sa source, salaires dans les entreprises continuant à fonctionner, chômage partie dans celles contraintes d’interrompre leur activité,  a baissé beaucoup moins que le PIB par tête d’un côté et de l’autre, le maintien relatif de la demande a permis au PIB de baisser moins qu’il ne l’aurait fait en l’absence de ces aides. Dans les pays avancés cette politique de soutien à la demande avait également pour objectif de permettre aux entreprises de ne pas licencier et donc de conserver leur main d’œuvre afin qu’elle puisse rebondir le moment venu sans avoir à réembaucher au risque de ne pouvoir le faire suffisamment vite et de manière suffisamment efficace.

Avec l’ «auxilio emergencial », c’est le premier aspect qui a prévalu : le soutien à la demande. Certes une part faible relativement de l’auxilio sera consacré au maintien en poste de salariés formels (au Brésil on utilise l’expression de travailleurs enregistrés, ayant une carte de travail, contribuant, eux et leur employeur, aux charges sociales) en échange d’une flexibilité plus grande quant aux heures de travail, c’est-à-dire la possibilité de réduire leur temps de travail, de recevoir une aide publique en compensation de la réduction de leurs salaires pour les salariés n’ayant pas de fortes rémunérations. Compte tenu des spécificités du marché du travail (importance de l’informalité, des inégalités de revenus de travail) par rapport à ceux des pays avancés, l’essentiel de l’auxilio visera surtout les travailleurs informels, quel que soit leur statut (salariés ou non) ayant de bas revenus.

Les sommes mobilisées sont considérables[12]. Au total 605 milliards de réais furent prévus pour 2020, sur ce montant 87% ont été décaissés. Sur ce montant 530 concernent l’auxilio emergencial, soit approximativement 4% du PIB auquel il faut ajouter une aide destinée aux travailleurs formels, moins importante (52 milliards dont 32 déboursés). L’auxilio, emergencial et celui destiné aux travailleurs formels, est ciblé sur les travailleurs précaires, il concerne surtout ceux qui ont un statut informel – mais non exclusivement puisqu’un fonds est destiné aux salariés formel ainsi que nous venons de le voir -. 600 réais par mois (1200 pour les mères célibataires) leur sont versés durant la durée de ce programme dont la fin été repoussée jusque décembre 2020, avec une réduction sensible de son montant[13]. Les sommes versées sont considérables lorsqu’on on les compare à celles de la bourse famille. Elles sont destinées à davantage de personnes. Pour ce qui concerne ceux qui ont un emploi et ont le statut de travailleurs formels, l’auxilio (« programa emergencial de manutençao do emprego da renda ») vise à compenser pour partie les baisses de revenus liées à une plus grande flexibilité dans le temps de travail.

Au total, un peu plus de 60 millions de personnes ont bénéficié de l’auxilio emergencial, soit approximativement un quart de la population du Brésil. Selon la revue de la FGV Conjontura economica de novembre 2020, leur nombre dépasse largement dans de nombreux États du Brésil, parmi les plus pauvres celui des travailleurs formels. Il est par exemple      4,4 fois supérieur dans l’État du Para ou celui du Piaui. Les personnes inscrites dans les registres de l’assistance sociale ont automatiquement bénéficié de cette aide à condition qu’elles se désistent du bénéfice de ces aides comme la bourse famille beaucoup moins « généreuse », ainsi que 30 millions de personnes inconnues des services de l’Etat. Ces « invisibles » ont été incorporée sur la base déclarative.

Ces transferts ont permis de limiter la chute du PIB, nous l’avons vu. Ils ont eu également des effets, parfois surprenants, sur la structuration de l’emploi entre travailleurs formels et informels et sur leurs revenus. C’est que nous allons voir.

Quelques comparaisons internationales

Dans presque tous les pays des mini révolutions par rapport aux enseignements de la théorie économique dominante ont eu lieu pour lutter contre la pandémie, protéger l’appareil productif et le monde du travail: les déficits se sont profondément creusés, le retour de l’État a été recherché. Deux exemples significatifs : l’Allemagne, considérée comme la gardienne de l’ordolibéralisme, aux excédents commerciaux conséquents, et la France, aux déséquilibres économiques conséquents, dont l’industrie se délite depuis des décennies[14].

Les politiques massives de soutien à la demande ont surtout surpris ceux qui dénonçaient les positions néolibérales des gouvernements sans chercher à approfondir l’analyse[15].

Le « plan de relance » français présenté début septembre 2020 se distingue à la fois par son ampleur et par le fait qu’il ne s’agit pas vraiment d’un plan de relance. Son montant est considérable (100 milliards d’euros en plus de l’augmentation des dépenses publiques après le confinement), mais il est inférieur à celui de l’Allemagne. Il est également partiellement financé par l’Union européenne (37,3 milliards d’euros). Il ne s’agit pas d’un plan de relance au sens strict du terme, mais plutôt d’un plan de modernisation qui comprend d’importantes mesures écologiques. Plus précisément, 30 milliards d’euros seront consacrés à la transition écologique, 34 milliards à l’accroissement de la compétitivité des entreprises et 36 milliards aux aspects sociaux et territoriaux. En ce qui concerne la transition écologique, sur les 30 milliards d’euros, 11 milliards sont destinés aux transports (4,7 milliards pour le rail, notamment pour le transport de marchandises), 9 milliards pour le secteur de l’énergie (dont 2 milliards pour financer la filière hydrogène), 7 milliards pour la rénovation énergétique des bâtiments et le reste pour l’agriculture agro-écologique. En ce qui concerne la compétitivité des entreprises, sur les 36 milliards, 10 milliards correspondent à la réduction de l’impôt sur la production, le reste à des subventions aux entreprises, notamment celles qui contribueront à une délocalisation industrielle.

 

  1. Les effets sur l’emploi, deux paradoxes surprenants: une baisse franche de la population économiquement active et un déclin relatif du travail nformel

Lorsqu’on fait une comparaison avec la crise de 2015-2016, la crise de 2020 réserve deux surprises importantes. Les deux crises sont importantes par leur ampleur (- 3,8 en 2015 et – 3,6% en 2016), un peu plus de de – 4% en 2020. Celle de 2015-2016 n’a pas connu une reprise importante. Nous l’avons vu (cf. notre livre, op.cit.). Celle de 2020 laissait espérer une reprise en V, mais dès le dernier trimestre de 2020 la reprise s’est essoufflée et les perspectives pour 2021 ne sont pas très favorables, non seulement à cause d’une reprise de la pandémie et de ses conséquences négatives dans les comportements des investisseurs, mais aussi en raison de problèmes d’ordre structurels, nous l’avons vu, mais aussi d’une politique économique inadaptée, ne pensant pas la transformation du modèle économique. Les deux « surprises » résident dans les évolutions des inactifs et de l’informalité.

a) Selon l’IPEA[16] ce qui caractérise les deux crises est qu’en 2020 il y a une augmentation plus sensible de la population inactive qu’en 2015-2016. En d’autre termes la population économiquement active a baissé. Le pourcentage des emplois occupés dans la population en âge de travailler passe de 56,2% au premier trimestre 2015 à 53,1% au premier trimestre 2017 alors que, dans la période située, 5% entre le premier trimestre 2020 et le troisième trimestre 2020, ce pourcentage chute de 53,5% à 47,1%. La population inemployée lors de la crise de 2015-2016 passe de 4,8% à 8,5% dans la même période, ce qui se traduit par une augmentation du chômage. Lors de la crise de 2020, le pourcentage de la population inemployée dans la population en âge de travailler augmente peu, passant de 7,5% à 8%, légèrement inférieur a ce qu’elle fut au premier trimestre 2017. La grande différence vient du pourcentage des inactifs : alors que dans les mêmes périodes, ce pourcentage est relativement stable lors de la première crise, autour de 38,5%, il passe de 39% à 44,7% en 2020, ce qui est considérable en si peu de temps. Une part conséquente et croissante de la population en âge de travailler échappe donc au marché du travail. La baisse de la population économiquement active explique pour partie le maintien du taux de chômage à un niveau élevé au troisième trimestre 2020, soit 14,6%.

Lorsqu’on analyse les flux d’entrée, d’un trimestre à l’autre, on observe que les flux d’entrée des occupés vers inoccupés baisse et celui des inactifs vers les inoccupés baisse également en 2020, contrairement à ce qu’on observe lors de la première crise de référence. L’orientation de ces flux a la baisse explique l’augmentation de la part des inactifs.

b) Seconde surprise : un taux d’informalité qui baisse, pour combien de temps ? Généralement une crise économique a pour conséquence une augmentation du taux d’informalité provenant en grande partie des licenciements de travailleurs formels et de leurs difficultés à retrouver un travail dans des emplois formels. La crise de 2020 ne produit pas ce genre de mouvements vers plus d’informalité, tout au moins dans les premiers mois de crise. Nous avons vu qu’elle conduisait d’abord à une augmentation des inactifs et leur retrait du marché du travail et curieusement à une diminution de l’informalité comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous. L’informalité baisse davantage (- 15,55%) que la population occupée (-9,62). Entre le quatrième trimestre de 2019 et le second trimestre de 2020, les emplois formels baissent de – 6,7% et ceux et l’informel de – 19,1% selon les données de la PNAD, reprises par Roubaud F et Razafindrako M, 2021, dans la même période les inactifs augmentent de 18,9%. Les licenciements de travailleurs formels ne conduisent pas ni à une augmentation du taux de chômage, situé à un niveau élevé avant cette crise (calculé par rapport à la population économiquement active, les inactifs étant exclus), ni à une augmentation de l’informalité, une partie d’entre eux devenant inactifs. Les informels en partie abandonnent également la recherche d’emploi et se mettent en retrait du marché du travail. On peut considérer que ce mouvement, apparemment curieux, s’explique à la fois par les faibles perspectives de retrouver un emploi compte tenu de l’ampleur de la crise et ses particularités et en partie également par le versement de l’auxilio emergencial, ressenti comme permettant de tenir le temps que la crise passe et que les perspectives d’emplois s’améliorent. Les perspectives s’améliorant au cours du troisième trimestre 2020 expliquent alors la remontée des emplois informels, un peu plus rapide que celle de la population occupée. Le ralentissement économique au cours du quatrième trimestre 2020 et du premier trimestre 2021 pourrait de nouveau inverser cette tendance. Cette probabilité est faible dans la mesure où la décision de relancer l’auxilio emergencial porte sur des sommes beaucoup plus faibles que celles décidées en 2020.

 

Figure 4 : Variations trimestrielles de la population occupée, totale et informalité en % (2013-2020)

Source : PNAD en continu/IBGE, Note : travailleurs informels c’est-à-dire travailleurs salariés déclarés et travailleurs à leur compte, sans sécurité sociales, IPEA, note technique n°92

  1. Des effets surprenants sur les revenus du travail ?

L’évolution des revenus pendant la pandémie réserve également une surprise. A priori, le revenu moyen progresse selon les données de la PNAD en continu et de l’IBGE comme l’indique le blog de IBRE du 10.02.2021, ce qui est surprenant.

Figure 5 : Variations interannuelles réelles du revenu habituel moyen en %

Source : PNADc – IBGE

A regarder de plus près, on s’aperçoit qu’on est en présence en partie d’une illusion statistique. Il s’agit du revenu moyen dit habituel, c’est-à-dire l’ensemble des revenus que le travailleur dits occupé, formel ou non, perçoit normalement. Le revenu effectif est ce qu’il reçoit réellement dans la période de référence. En général les courbes de revenus habituel et effectifs sont proches. Elles baissent en période de crise et de pré-crise. Les revenus moyens habituels ou effectifs connaissent une réduction. Certes, il s’agit d’une moyenne et on sait que la dispersion augmente en période de crise, les plus touchés étant le plus souvent ceux qui sont les plus vulnérables et ont les revenus les plus faibles. Mais en moyenne les deux courbes baissent de concert (sauf durant trois trimestres, du second trimestre 2015 au premier trimestre 2016, le revenu effectif croît de nouveau pour fléchir ensuite profondément. Voir graphique ci-dessous). Cette baisse commence en 2014, période de ralentissement économique prononcé annonçant la crise de 2015. Les deux courbes ont dès le second trimestre 2016 une courbe ascendante. Mais, durant la crise de 2020, l’évolution entre les deux courbes est divergente, le revenu moyen habituel croît, le revenu moyen effectif baisse et connait de nouveau une hausse à partir du second trimestre 2020[17]. Comment l’expliquer ?

La hausse du revenu moyen habituel s’explique essentiellement par le retrait du marché du travail, principalement des travailleurs informels les moins qualifiés et aux revenus les plus bas selon l’IPEA. Tous ceux qui continuent de travailler, formels ou non, ne connaissent pas une hausse de leurs revenus habituels. Selon les analyses de Horn C.H. et Rolla Donoso V., 2021[18], les travailleurs de maison, formels ou non, connaissent une réduction de leur revenu habituels entre juillet 2019 et septembre 2020 (p.4). Par secteurs, les travailleurs de la construction, des transports, de l’alimentation et principalement des services connaissent une baisse de leurs revenus habituels plus ou moins importante entre juin 2020 et septembre 2020 (p.6). Enfin, l’étude montre surtout que plus le niveau des revenus est faible moins la hausse est importante, et comme nous l’avons vu, cette hausse est en fait une perte. Les hauts revenus habituels connaissent une hausse plus importante que les bas revenus habituels, ce qui confirme ce qu’on observe en général : la dispersion des revenus augmente lors d’une crise ; les inégalités avec, au détriment des plus vulnérables.

Ces observations n’ôtent rien cependant à notre interrogation, pourquoi en moyenne les revenus habituels augmentent pendant quelques trimestres alors que logiquement ils auraient dû baisser. Cette hausse s’explique par l’augmentation considérable des inactifs. C’est donc une illusion statistique en ce qu’elle s’explique par le découragement de trouver un emploi et la possibilité de survivre grâce à l’auxilio pendant quelques temps.

Figure 6 : Variations interannuelles du revenu effectif du travail en % (2013-2020)

Source : IPEA, nota tecnica n°92, op. cit.

 

La baisse du revenu effectif s’explique d’un côté, pour les travailleurs informels à leur compte propre, par la difficulté croissante à maintenir leur chiffre d’affaire en raison de la crise économique, et d’un autre côté, pour les travailleurs et informels salariés par la possibilité offerte aux employeurs de réduire le nombre d’heures travaillées grâce au programme dit de maintien de l’emploi et de revenu, les heures perdues étant en partie compensées par l’auxilio. L’étude de    Roubaud F. et Razafindrakoto, 2021a, op. cit., montre l’importance de l’auxilio pour les revenus effectifs des travailleurs formels et informels, mais aussi pour l’ensemble des travailleurs, ayant ou non perdu leur emploi. Pour ceux qui ont conservé un emploi la baisse de leur revenu effectif moyen aurait été de – 8% (formels) et de -18,4% (informels), avec l’auxilio la baisse est de – 1,6% pour les travailleurs formels et devient une hausse pour les travailleurs informels de + 5,4% entre le début de la crise et juillet 2020. Si on ajoute ceux qui ont perdu leur emploi, la baisse du revenu moyen aurait été dramatique : – 14,1% pou les travailleurs formels et – 34% pour les informels. Avec l’auxilioces les baisses sont fortement réduites, -7,6% pour les travailleurs formels et -9,5% pour les travailleurs informels.

 

Tableau 4 : Évolution du revenu moyen du travail avec et sans l’Auxilio emergencial

 

Cette crise a la particularité de réduire les inégalités entre travailleurs formels et travailleurs informels pour les travailleurs qui conservent un emploi, tout au moins pendant quelques mois, grâce aux effets de l’auxilio. Ce n’est pas le cas si on ajoute les travailleurs qui ont perdu leur emploi. Par contre cela pourrait être le cas si on ajoute ceux qui hier travaillaient et avec la crise se sont mis en retrait du marché du travail.

C’est évidemment positif, mais avec une nuance : c’est moins pire que cela aurait pu être. La baisse des revenus effectifs du travail a été freinée, la baisse de la demande des ménages également. Elle est cependant importante ( -5,5% en moyenne en 2020 et elle explique pour 60% l’évolution du PIB).  Cette baisse contenue a permis que le PIB baisse moins que ce qui se serait passé s’il n’y avait pas eu l’auxilio. La diminution des inégalités durant cette courte période s’est faite par le bas, par une réduction différenciée des revenus effectifs.

Conclusion

Avec la pandémie, une nouvelle période s’ouvre. Il ne sera plus possible de renouer avec le passé comme si rien ne s’était passé. Et pourtant… dans l’immédiat on risque fort de connaître un retour vers les anciennes politiques économiques, à l’exception toutefois de quelques mesures visant à relocaliser les entreprises stratégiques. La pandémie a bouleversé les dogmes économiques. Il est probable que ceux-ci revoient le jour après cette parenthèse interventionniste, voire hyper-keynésienne une fois la croissance revenue et qu’il faudra commencer à rembourser les emprunts massifs effectués lors de la pandémie, même si une partie de ces derniers seront « effacés » d’une manière ou une autre. Dans les pays avancés, il est probable que quelques secteurs industriels connaîtront des processus de relocalisation, que d’autres connaîtront un essor important, surtout ceux centrés sur le numérique, et qu’enfin les entreprises spécialisées sur le tourisme et les transports aériens auront des difficultés accrues et devront se concentrer pour survivre, ce qui devrait conduire les gouvernements dans le futur soit à prolonger le financement pour le chômage partiel, soit à débloquer des ressources financières pour assurer un revenu minimum de base plus consistant que ce qui existe déjà. Toutes ces restructurations se font avec un coût social d’autant plus important que les moments de crise économique ne sont en général pas favorables à de grandes mobilisations plus ou moins importantes, surtout lorsque la crise n’est ni une crise de demande, ni une crise d’offre.

Au niveau sociétal, cela risque d’être pire. L’application des mesures sanitaires rend plus difficile les échanges directs entre les gens, échanges qui font société. La vie au quotidien change. Le contrôle est davantage justifié par la volonté légitime de freiner la contagion, et de facto les libertés individuelles peuvent être menacées.

Il ne faut pas confondre l’immédiat avec les forces souterraines qui œuvrent.  La crise provoquée par la pandémie a produit une rupture dont les effets se révèleront sur le moyen et long terme à la condition toutefois que des mobilisations sociales, climatique et enfin politiques, alimentent la flamme du refus de recommencer comme si rien ne s’était passé. Il est possible aussi qu’avec un changement de présidence et la venue de Lula dans le jeu politique, les perspectives tant sociales qu’économiques soient différentes. D’un point de vue social (diminution de la pauvreté, retour vers un marché du travail davantage réglementé) et d’un point de vue économique, le futur peut être différent avec une nouvelle présidence, à la condition toutefois que le gouvernement ait appris des erreurs passées, et cherche à impulser à la fois une réindustrialisation et un effort substantiel dans la recherche.

 

[1] Voir l’excellent livre de M-M. Robin (avec la collaboration de S. Morand), 2021, La fabrique des pandémies, préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire, construit à partir de très nombreux interviews d’écologues dont nous donnons ici quelques extraits : « J’ai vu comment les grandes entreprises violaient les territoires indigènes au nom du développement, qui n’apportaient aucun bénéfice aux communautés, au contraire : elles étaient marginalisées et entraient dans le cercle vicieux de la pauvreté, parce que l’environnement dont elles dépendaient pour vivre, était détruit » (p.168, interview de G.Suzan) ; «  Quand on compare les données spatiales et temporelles de la déforestation avec celles  des maladies infectieuses émergentes, on voit clairement qu’elles sont  corrélées » ( p.66, interview de S.Morand) ; sur les mécanismes de propagation aux êtres humains : « Quand les écosystèmes sont perturbés, les espèces (ici les rongeurs, PS) « spécialistes » ( hautement adaptées à un type d’habitat particulier, peu féconde)  disparaissent au profit des « généralistes » (cf. plus fécondes, davantage capables de s’adapter), ce qui entraîne une baisse de la biodiversité des rongeurs… Le résultat est une augmentation de la transmission du virus dans la population hôte qui est plus abondante et un risque accru pour les humains » ( p.135, interview de J.Mill) ; « Outre la chasse, la déforestation et la fragmentation des habitats naturels engendrent un stress chez les chauves-souris, qui provoque un affaiblissement de leur système immunitaire… tous ces évènements sont propices à une explosion de l’excrétion virale, qui favorise la transmission des pathogènes à d’autres espèces animales, y compris aux humains ». (p.121, interview de G. Maganga).

[2] Cette multiplication des épidémies est-elle liée à la globalisation commerciale ? Oui, mais pas directement. Ce n’est pas la mondialisation qui a produit la pandémie, même si elle a sa part de responsabilité dans la dégradation de la nature qui a finalement abouti à l’apparition du nouveau virus. La globalisation, puis l’hyperglobalisation, ont entraîné une augmentation des échanges commerciaux, stimulés par une réduction importante du coût des transports maritimes, l’essor d’internet et la possibilité d’optimiser non seulement leur fiscalité mais aussi les différents codes du travail existant entre les pays. L’explosion des transports maritimes et aériens a également un coût environnemental. La libération de CO2 et l’effet de serre contribuent au réchauffement de la planète, ce qui entraîne la dégradation des écosystèmes. On peut donc considérer que, directement et indirectement, la mondialisation est un propagateur de pandémies qui peut, en partie, en être aussi la cause.

[3] Cepal, enero de 2021, Informe Covid -19 : « Las personas afrodescendientes y el Covid-19 : develando desigualdades estructurales en America latina », où ces inégalités sont analysées au regard de la surpopulation, de l’accès à l’eau, etc., à partir de données provenant de Colombie, du Pérou, du Guatemala et du Mexique.

[4] Oscar Cetrángolo e Ariela Goldschmit, 26 fevrier 2021, Desafíos crónicos de los sistemas de salud luego de un episodio agudo, blog alquimiaseconomicas

[5] De « bolsillo », c’est-à-dire non remboursées. Elles sont concentrées sur les plus pauvres qui n’ont pas ou peu accès aux remboursements soit parce qu’ils n’ont pas cotisé soit parce qu’ils n’ont pas accès aux assurances privées.

[6]Les pays disposant de plus de 10 lits d’hôpitaux – publics et privés – par millier d’habitants (c’est-à-dire sans lits de soins intensifs) ont enregistré des taux de mortalité le plus faibles dus à la pandémie. Selon l’OCDE, en 2017, la Corée du Sud comptait 12,7 lits pour mille habitants, l’Allemagne 8, la France 5,97, les États-Unis 2,76, le Chili 2, le Brésil 1,95 et le Mexique 1,39. Il est également intéressant d’observer la répartition publique-privée des lits. Le pourcentage de lits dans les hôpitaux publics par rapport au total des lits (publics plus privés) est de 10,2 % en Corée du Sud, de 40,8 % en Allemagne – il faut toutefois noter que les hôpitaux privés de ce pays sont soumis au service public universel -, de 61,6 % en France, de 22,1 % aux États-Unis, de 73,9 % au Chili et de 73,9 % au Mexique (voir : Cetrangolo O. et Goldschmit, avril 2020, blogAlquimiaseconomicas).

[7] Le Bras H., 2020, Serons-nous submergés ? épidémie, migrations, remplacement, édition L’Aube.

[8] Sur les politiques des États au Brésil, voir Fracalosi R., 2021, « A segunda onda da pandemia (mas não do distanciamento físico): Covid-19 e políticas de distanciamento social dos governos estaduais no Brasil », IPEA, Nota tecnica, n°31.

[9] , 26 février 2021, Oliva G. (voir https://www.poder360.com.br/1-ano-de-covid-no-brasil/251-mil-mortes-por-covid-relembre-as-falas-de-bolsonaro-sobre-a-pandemia/)

[10]Nous n’avions pas mis parmi les différentes causes citées, l’économie. Elle est importante. Une amélioration du niveau de vie, ou bien une réduction plus faible que celle qui était crainte, peuvent conduire certains de ceux qui rejetaient la politique de Bolsonaro à l’appuyer. Comme nous le verrons la politique d’auxilio (aide aux plus démunis qui s’apparente un peu au chômage partiel) va entraîner une augmentation de la popularité du gouvernement. La fin de cette politique, à l’inverse, à une baisse. Notamment parmi les plus pauvres de la population. Une telle relation n’est pas cependant déterministe. Il faut toutefois nuancer entre ce qui est et ce qui est ressenti. Le chômage, le chômage n’a pas augmenté considérablement, la perte de revenus est moindre que celle qui aurait eu lieu s’il n’y avait pas eu ces transferts de revenus. Selon le sondage de l’Institut Traversia, 74% des Brésiliens considéraient que leurs revenus (des foyers) avaient été impactés par la crise sanitaire en juin 2020, en février 2021, ils étaient 80% et ceux dont le revenu est inférieur à deux salaires minimums sont un peu plus nombreux en pourcentage, soit 83%. Il est intéressant de noter que ce sont les plus pauvres qui s’opposent le plus au retour de leurs enfants dans les écoles : d’un côté ils craignent davantage que les autres que leurs enfants se contaminent et les contaminent, et, d’un autre côté, la présence des personnes âgées dans les foyers plus importante que dans les classes moyennes et surtout la baisse de la population économiquement active           (cf supra) que facilitent d’un côté l’auxilio et de l’autre le niveau de chômage conséquent (l’espoir de trouver un travail devient plus faible), permettent que ces enfants ne restent pas seuls.

[11] Selon O Valor du 5 mars 2021, sous la plume de Armando Castelar Pinheiro : «Pandémie,  populisme, inflation élevée et un scénario étranger moins favorable qu’imaginé au début de l’année vont compliquer le tableau économique dans les mois à venir. Les turbulences et l’incertitude, dans un marché financier international également volatil, seront la norme jusqu’à ce que les élections de 2022 apportent un certain ancrage aux attentes ».

[12] Voir Roubaud F. et Razafindrakoto M., 2021a, « Bolsonaro et la Covid-19 au Brésil : réflexions autour d’un double paradoxe », miméo et des mêmes auteurs plus A. Saludjian, 2021b, « Crises, informalité et reconfigurations sur le marché du travail : quatre décennies de bouleversements économiques au Brésil », miméo, a paraître dans la revue Regulation.

[13] L’ampleur de l’auxilio  est considérable, mais largement inférieure à celles observées dans les pays avancés mais supérieure en pourcentage des PIB respectifs (le PIB par tête est approximativement le tiers de celui de la France). Les coûts de ces mesures en pourcentage du PIB étaient de 3,25% en France, 2,8% en Grande-Bretagne, 2,1% en Italie, 1,5% en Allemagne et 1% en Espagne contre 4% au Brésil. D’autres pays, dont l’Allemagne, ont été un peu moins « généreux », tant en ce qui concerne le pourcentage des salaires nets versés par l’État aux employés confinés que le montant de ces salaires, la limite la plus fréquente étant autour de deux salaires minimums. Le gouvernement français a payé presque tout le salaire net de la moitié des employés du secteur privé, avec une borne élevée (4,5 salaires minimums). Au total, 12,4 millions de travailleurs français du secteur privé ont bénéficié de cette mesure. En Allemagne, ils étaient 10,1 millions, en Italie 8,5 millions, en Grande-Bretagne 7,5 millions et en Espagne 3,4 millions.

[14] Voir Salama P, 2020,  «  2020, Covid-19, um tsunami nos paises avançados » in Blog America Latina :  https://www.americalatina.net.br/2020-covid-19-um-tsunami-nos-paises-avancados-por-pierre-salama/, en cours de publication dans  Recherches Internationales

[15] Prisonniers de leur rhétorique, ils ne pouvaient imaginer que des gouvernements qualifiés de néolibéraux puissent opter pour des politiques laxistes et ultra-keynésiennes de soutien ample de la demande et, par conséquent, accepter que leurs déficits budgétaires augmentent considérablement. Il est certes évident qu’il existe des politiques néolibérales de réduction de certaines aides sociales, notamment pour contenir l’augmentation de certaines dépenses publiques, voire les réduire. Par exemple, dans le domaine de la santé, la diminution du nombre de lits dans les hôpitaux grâce à l’adoption de critères de marché pour gérer ce secteur. Cependant, qualifier la politique économique dans sa globalité en France de néolibérale est une erreur quand on sait que les dépenses publiques dans ce pays étaient estimées à 53,8% du PIB en 2019 et que l’ensemble des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales) s’élevait à 44,7%. En l’occurence, l’usage et l’abus du terme néolibéral – dont on ne sait plus ce qu’il signifie aujourd’hui, expression de plus en plus codée où chacun y met ce qu’il veut – s’avère incapable de fournir une analyse permettant de comprendre l’augmentation des dépenses publiques résultant du chômage partiel.

[16] Voir  Corseuil .CV.H., Franca M., Padilha G. Ramos L. e Russo F., 2020, Comportamento do mercado de trabalho brasileiro en duas recessoes : analise do periodo 2015-2016 e da pandemia de Covid-19, Nota tecnica n° 92, IPEA.

[17] Pour une analyse détaillée, voir Sachet de Carvalho S., 2020, «  Os efeitos da pandemia sobre os rendimentos do trabalho e o impacto do auxilio emergentcial : o qe dizem os microdados da PNAD covid-19 », Carta de conjuntura, n°48 , 3° trimestre de 2020

[18] Horn C.H. et Rolla Donoso V., 2021, « Os rendimentos do trabalho durante a pandemia », Democracia e mundo do trabalho, 28/01/2021

Previous post A propos de l’entretien avec Georges Corm publié dans Contretemps.eu
Next post Leur anti-impérialisme et le nôtre