OMS – « Nous aurons besoin d’un système international solide, plus démocratique »

Entretien avec Pascale Brudon

Pascale Brudon, ancienne fonctionnaire internationale de l’Organisation mondiale de la santé, a occupé plusieurs postes ayant trait à l’élaboration et la mise en œuvre de politiques de santé publique et de politiques pharmaceutiques dans différents pays.

On peut lire son article « Le médicament dans la mondialisation : 40 ans de luttes », dans ContreTemps n° 42, dossier « Le médicament, un bien commun ! ».

 

 ContreTemps : En 2003, au Vietnam, vous avez été, en tant que représentante de l’OMS, au cœur de la première épidémie d’un coronavirus, le SRAS. Cette épidémie a alors été enrayée assez rapidement. Comment cela a-t-il été rendu possible ?

 

Pascale Brudon : Très brièvement reprenons un court historique qui permettra de mieux comprendre les succès de 2003 et de comparer hier et aujourd’hui. Les dates sont importantes. Le 10 février 2003, le bureau de l’OMS en Chine reçoit un mail faisant état « d’une maladie contagieuse étrange qui a fait plus de 100 morts dans la province de Guangdong en l’espace d’une semaine », ce qui est entériné le lendemain par les autorités de la province qui considèrent qu’aucune mesure spéciale n’est nécessaire. Le 14 février, le ministère de la santé chinois informe officiellement l’OMS que ce qui s’est passé à Guangdong est sous contrôle : « circulez, il n’y a rien à voir ». Le 17 février, l’OMS demande plus d’information et propose son aide. Réponse du ministère : ne vous inquiétez pas, nous sommes presque certains qu’il s’agit d’un épisode de chlamydia. L’OMS continue d’être vigilante et très mobilisée, l’immense crainte étant que nous soyons face à une flambée de H5N1, la grippe aviaire que tout le monde redoute. Nous saurons beaucoup plus tard que cette pneumonie atypique qui portera le nom de SRAS avait débuté à la mi-novembre.

La maladie inconnue quitte la Chine. Le 21 février un médecin de Guangdong infecte 17 personnes qui comme lui séjournent à l’hôtel Métropole à Hong Kong. Quatre d’entre elles vont être le point de départ de foyers qui se développeront dans les jours suivants au Canada, en Chine, à Hong Kong, à Singapour et au Vietnam.

Au Vietnam ce sera un homme de 48 ans qui avait voyagé en Chine et qui avait séjourné à l’hôtel Métropole qui apportera la maladie dont il mourra quelques semaines plus tard. Il est hospitalisé le 26 février à l’hôpital français de Hanoi, qui très vite appelle mon bureau. Et puis tout s’enchaîne, le docteur Urbani se rend à l’hôpital régulièrement. Nous informons notre bureau régional, le siège à Genève et le gouvernement vietnamien de cette forme sévère et inconnue de pneumonie, 8 jours après l’arrivée du patient, 12 soignants sont malades, il faut agir vite. Les personnes malades sont isolées, l’hôpital limite les admissions, on met en place un suivi des contacts, le personnel se protège (masques, lunettes, etc.), mais il faut convaincre le gouvernement de la gravité de la situation pour pouvoir préparer le pays à cette maladie dont on ne connaît toujours pas l’agent pathogène. Le 9 mars, Carlo Urbani et moi réussissons à convaincre gouvernement et parti de s’investir pleinement dans la lutte. Une équipe internationale envoyée par l’OMS arrive à partir du 11 mars. Elle restera 2 mois et contribuera à la meilleure connaissance de l’agent pathogène (des réunions ont lieu tous les jours et les informations et échantillons sont envoyés à Manille et Genève pour y être analysés dans des réseaux de centres de recherche et de labos) et à la préparation de l’ensemble du Vietnam.

Cette histoire explique en partie comment l’épidémie a été enrayée au Vietnam : d’abord la rapidité a été la caractéristique principale de la réponse vietnamienne ; la rapidité de l’hôpital français à appeler l’OMS, la réponse rapide de l’OMS et du gouvernement. Et puis la mise en place des mesures de contrôle de l’infection : détection des cas (sur les symptômes en l’absence de tests), isolement des malades, fourniture de matériel de protection pour le personnel soignant et les familles, recherche et suivi des contacts, et aussi directives pour le contrôle et la surveillance du SRAS aux équipes de santé provinciales et de district ainsi qu’aux autorités portuaires, établissement d’une hot line 24 h/24, information du public, etc.

Tout a été bien fait, mais il ne faut pas nier que nous avons eu de la chance, le premier malade est arrivé à Hanoi et s’est rendu dans une structure assez bien organisée. Le SRAS, comme le SRAS Cov 2, prend l’avion et le trafic était beaucoup moins dense en 2003 ! Je ne sais pas ce qui ce serait passé s’il était arrivé à pied de Chine…

Une telle urgence ne peut pas se gagner sans un engagement politique au plus haut niveau. Le gouvernement et le parti ont été pleinement engagés à partir du moment où ils ont compris les enjeux sanitaires, sociaux, économiques et aussi politiques que représentait cette maladie inconnue pour leur pays. Dans un pays comme le Vietnam, une fois la décision d’agir prise le reste suit, j’ai pu voir cela pour d’autres problèmes de santé que j’ai eu à traiter avec le gouvernement, le SIDA par exemple. Ce succès est aussi celui de l’OMS, de cette implication technique et politique, de cette collaboration et coordination sans faille à tous les niveaux.

Réussir dans une épidémie c’est une vision stratégique claire, des capacités d’anticipation, des compétences scientifiques et logistiques (l’intendance doit suivre, les masques, les échantillons, etc.), de la transparence, de la mobilisation du public et une collaboration de l’international au local… À l’époque tous les États ont accepté de vivre pendant quelques temps sous l’égide de l’OMS. Les souverainismes, les nationalismes, les batailles d’ego n’ont rien à faire dans la lutte contre une épidémie.

 

CT : Récemment vous avez écrit à propos de cet épisode avec la volonté de rendre hommage au docteur Carlo Urbani, pourquoi dans les circonstances actuelles cela vous est-il apparu nécessaire ?

P. B. : Carlo Urbani est mort le 29 mars 2003 de la maladie qu’il avait contribué à découvrir. Chaque année, cette date si dramatique et si présente dans ma mémoire me fait resurgir tous les souvenirs de ces années où nous avons travaillé ensemble, et de ces jours où nous avons uni nos forces jusqu’au moment où il a été hospitalisé.

Face à ce qui se passait en Italie et ailleurs en mars dernier, devant ces pays dépassés par une autre épidémie (elle aussi provoquée par un virus de la même famille que le SRAS), ces hommes politiques sans vision, cette santé publique muette, ces hôpitaux obligés de pallier les manques des États, ce personnel de santé qui mourait des conséquences des politiques d’austérité, j’avais un sentiment de désespoir… Non, Carlo ne peut pas être mort pour rien, le monde ne peut pas avoir à ce point oublié les leçons du passé, ne pas avoir entendu les avertissements de tant de chercheurs et d’organisations de toutes sortes, et ne pas avoir lu tous ces rapports sur la pandémie à venir, dont le dernier en date       « Un monde en péril » (septembre 2019).

Je voulais à travers son histoire montrer le rôle parfois un peu oublié de Carlo dans cette épidémie et réaffirmer la place des valeurs dans notre lutte contre les maladies. Les interventions décisives et déterminées de Carlo ont très certainement sauvé des vies au risque de la sienne. Il a été la première personne dans le monde à reconnaître la signification des évènements qui se déroulaient sous ses yeux. Il a été un grand médecin, grâce à sa persévérance, à ses connaissances scientifiques toujours au fait des nouvelles recherches et de ce qui se passait dans le monde dans le domaine des maladies infectieuses, à sa pratique et à son amour de la clinique et à sa capacité d’observation et de diagnostic, il a été capable de très vite mettre en place des interventions efficaces, de donner une définition de cas de cette maladie inconnue et de comprendre les modes de transmission, le temps d’incubation, ce qui a fait faire un bond dans la connaissance du virus, la prévention et le traitement du SRAS. Enfin, Carlo avait un engagement sans faille auprès de ceux qui souffrent, et un courage très grand pour affronter les dangers. Il savait que ce qu’il faisait était dangereux mais il n’a jamais hésité. Il a montré pendant cette brève mais si longue période qu’il était un homme courageux.

De nombreux Vietnamiens, les Nations unies, la communauté internationale ont salué cet homme discret qui avait fait tant pour eux et pour le monde. Le Vietnam lui a donné à titre posthume la plus haute distinction vietnamienne, « la médaille de l’ordre de l’amitié ». Cette victoire sur un fléau potentiellement très dangereux, nous la devons aussi à Carlo Urbani. Il mérite bien plus qu’un hommage.

 

CT : Nous sommes en 2020, un autre coronavirus provoque une pandémie dont on voit qu’on ne parvient pas à la stopper et qui provoque une crise sanitaire mondiale totalement inédite. Est-ce parce ce que ce nouveau virus n’a rien à voir avec le SRAS, ou parce que les leçons de 2003 ont été perdues ?

P.B. : Le virus dans les 2 cas est un coronavirus, il vient probablement du même réservoir : les chauves-souris, même si l’hôte intermédiaire n’est pas le même. Ils viennent tous les deux de Chine, pays qui en 2002 et en 2019 a caché les premiers cas à l’OMS et au monde.

Mais ils sont différents dans la mesure où le SRAS 1 était très contagieux et très mortel, alors que le SRAS 2 est extrêmement contagieux et pour le moment beaucoup moins mortel. De plus le SRAS 1 ne devenait dangereux que lorsque les symptômes de la maladie étaient très présents alors que le SRAS 2 est dangereux avant même que les symptômes soient identifiables, soit parce qu’il n’y en a pas, soit parce qu’ils sont très bénins et peu caractéristiques. Donc il est plus difficile à contenir. Autre différence : l’agent pathogène du SRAS 1 était totalement inconnu jusqu’au 22 mars 2003, date où l’université de Hong Kong a annoncé qu’il s’agissait probablement d’un coronavirus, ce qui a été officiellement confirmé par l’OMS le 16 avril 2003, avant cette date pas il n’était pas possible de fabriquer des tests… Donc avantages et inconvénients des 2 côtés !

Ceci dit, il y a eu une prolifération de rapports et de livres sur les dangers toujours actuels des épidémies, les chercheurs attendaient la grippe aviaire, on a eu un coronavirus. Certains pays se sont préparés, d’autres absolument pas.

Les pays d’Asie du Sud-Est qui ont connu le SRAS et des flambées de grippes aviaires ont gardé le souvenir de ces épisodes et ont immédiatement pris les mesures bien connues de santé publique visant à enrayer la progression de l’épidémie dans leur population et sur leur territoire. Et ces pays continuent à s’adapter remarquablement bien aux inconnues que pose ce virus, ce qui a pour effet que leurs populations ont confiance dans la façon dont la crise est gérée et qu’elles acceptent plus facilement les mesures mises en place. Nous connaissons maintenant ces pays qui n’étaient pas vraiment vus comme des exemples quand le virus est arrivé en Europe, ce sont la Corée, Taiwan, Singapour, Hong Kong, le Vietnam et quelques autres.

Non seulement nos gouvernements successifs n’ont pas anticipé mais ils ne se sont pas préparés à cette crise prévisible en tirant des leçons du passé (agir vite, coordonner, organiser, mobiliser, collaborer). Les mêmes qui prônent une globalisation à outrance n’ont pas intégré dans leurs politiques qu’en 20 ans le monde a changé et que les dangers se déplacent beaucoup plus vite. Nous vivons dans un monde de grande circulation des marchandises et des individus et d’intense trafic aérien. En 2003, le SRAS 1 s’était déplacé en avion mais il y avait beaucoup moins d’avions qu’aujourd’hui. La carte de progression du virus dans le monde en ce début de 2020 est superposable à celle de l’intensité du trafic aérien. Ils n’ont pas non plus voulu voir que la déforestation qui rapproche les chauves-souris des habitats urbains, l’élevage industriel, les routes qui traversent les jungles augmentent dangereusement les risques de transmission des agents pathogènes à l’homme. En fait, l’imaginaire et la médiocrité de nos élites politiques fascinées par la performance, les « premiers de cordée », la « start-up nation », n’ont pas pu intégrer que les épidémies ça arrive, qu’elles peuvent ravager des pays aux technologies de pointe et à la médecine de soins la plus performante, et que les services publics et la santé publique ne sont pas des coûts pour la société mais des investissements.

 

CT : Vous avez expliqué qu’à l’avenir il y aura d’autres virus, tout aussi voire plus dangereux, mais que cela n’implique pas mécaniquement des épidémies ravageuses comme celle que nous connaissons. Quels sont les facteurs qui amènent à ce pronostic de l’inéluctabilité de l’apparition de nouveaux virus ? Et quels sont les moyens à inventer ou à mobiliser pour bloquer les épidémies qu’ils pourraient entraîner ?

P. B. : Je ne suis pas une spécialiste des virus ou des épidémies mais pour avoir côtoyé beaucoup de chercheurs pendant le SRAS et la petite flambée épidémique de grippe aviaire qui a eu lieu en décembre 2004 au Vietnam, la question n’est pas qu’il y aura une épidémie, ni même quand, mais cette autre : sommes nous prêts ?

Les épidémies ne sont pas des phénomènes nouveaux, la première dont on soit sûr est la peste du 3e siècle avant J.-C., il y a toujours eu des maladies dans lesquelles un agent pathogène passe de l’animal à l’humain. Mais cette tendance augmente : « Entre 2011 et 2018, l’OMS a suivi 1 483 événements épidémiques dans 172 pays. Les maladies à tendance épidémique, entre autres la grippe, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), la maladie à virus Ebola (MVE), la maladie à virus Zika ou encore la fièvre jaune, annoncent une nouvelle ère durant laquelle des épidémies à fort impact et à propagation potentiellement rapide seront plus souvent détectées et deviendront toujours plus difficiles à prendre en charge » (« Un monde en péril », page 12).

Tant d’évènements contribuent à la recrudescence des épidémies ! Certains directement, nous en avons déjà parlé, d’autres indirectement : la pauvreté et le manque d’accès aux services de santé de base et à l’eau propre, les changements climatiques, l’augmentation des voyages et des migrations (volontaires ou forcées), les conflits, etc…

Oui nous sommes dans une pandémie et il y en aura d’autres dans le futur. Alors il serait préférable que la prochaine fois nous soyons mieux préparés. Bien sûr il y aura toujours une part d’inattendu, toujours un microbe inconnu, ce n’est pas une raison pour ne rien faire. Il existe un « Conseil Mondial au suivi de la préparation » qui publie un rapport annuel sur l’état de préparation mondial aux situations d’urgence sanitaire. Il analyse les lacunes et propose les mesures les plus urgentes. Le premier rapport est arrivé en septembre, il était assez pessimiste sur l’état de préparation du monde ! Il est disponible sur internet (« Un monde en péril »).

Mais plus largement, notre système économique basé sur le profit, la destruction du monde et les inégalités, nos systèmes de prévention et de soins gravement endommagés par les politiques d’austérité, le rôle de l’État et de nos institutions, notre système éducatif, la place donnée aux citoyens dans la décision, et notre rapport à la nature doivent être questionnés et transformés en profondeur, ce sera la tâche des années à venir.

Mais pour le moment le plus urgent c’est :

° L’absolue nécessité que les vaccins, les médicaments et les technologies liés au Covid-19 (par exemple les tests) soient accessibles à tous et dans tous les pays. Aujourd’hui la plupart des futurs vaccins ou traitements sont couverts par des brevets. Par exemple nul ne sait le prix que l’Institut Pasteur fixera pour les tests de sérologie développés récemment. Voir l’interview de Pierre Charneau dans Libération du 26 avril 2020 : « En revanche, l’Institut Pasteur envisage de le licencier aux laboratoires d’analyses privés, car il a aussi besoin de recettes pour financer ses recherches ! Nul doute que cette licence d’utilisation intéressera le monde entier ». Il faut mettre en place rapidement des mécanismes de mise en commun des produits, des données et des technologies. Plusieurs pays souhaitent utiliser les licences obligatoires (Canada, Chili, etc.) mais il faudrait aller plus loin : l’Union européenne propose de créer au niveau international un pool volontaire pour la propriété intellectuelle et l’OMS s’engage « dans une collaboration historique, mondiale et limitée dans le temps, pour accélérer la découverte et la production de nouvelles technologies de la santé essentielles contre le COVID-19, et pour en assurer un accès universel et juste ». Peut être cette première phase permettrait-elle de continuer les luttes pour « le médicament bien commun ».

° La relocalisation ou le développement en France et/ou au niveau européen de productions indispensables dans le cadre de la pandémie, qu’il s’agisse de matériel de protection, de tests, de produits pharmaceutiques essentiels.

° Le renforcement de la coordination et de la collaboration dans le pays et entre les pays au niveau national et international.

 

CT : Parmi ces moyens donc, la collaboration internationale. Ce qui amène à s’interroger à propos de l’OMS. Comment expliquer l’efficacité de l’OMS en 2003 face au SRAS, et les difficultés actuelles en réaction au Covid-19 ? 

P. B. : Il y a eu un affaiblissement général du système des Nations unies et du multilatéralisme, et la capacité d’action des agences onusiennes a beaucoup diminué en dépit du renforcement des règlements internationaux, comme le règlement sanitaire international. Une agence comme l’OMS doit, outre ses fonctions normatives, agir dans un nombre grandissant d’urgences sanitaires, que ce soient des épidémies, des situations de guerre, ou des crises humanitaires. Et ceci avec un budget très insuffisant où les contributions obligatoires des États ne représentent que 20 % du total des contributions. D’autre part les États n’ont jamais donné les pleins pouvoirs à l’OMS, ce qui lui permettrait de réellement coordonner et standardiser les réponses à une épidémie.

Il faut aussi constater que la capacité de leadership du Directeur général de l’OMS est importante. À l’époque du SRAS 1, la directrice générale de l’OMS le Dr Gro Brundtland, qui avait été Première ministre de Norvège et également à l’origine de la Conférence de Rio de 1992 sur l’environnement et le développement, était capable par ses compétences, ses réseaux, et son prestige international de mobiliser le monde entier. Elle faisait fi des oppositions des États, que ce soit le Canada ou la Chine. Probablement elle outrepassait le mandat de l’OMS mais au final en 2003 l’OMS est sortie victorieuse, ce qui n’a pas empêché quelques années plus tard à une coalition d’États menée par le Brésil, la Chine, l’Inde et la Russie de refuser des pouvoirs accrus pour l’OMS. Le succès obtenu sur le SRAS est dû aussi à cette coopération de presque tous les gouvernements, des organisations internationales, des bailleurs de fonds et ceci sous le leadership et la neutralité de l’OMS.

On voit bien que dans cette nouvelle épidémie, l’OMS et son directeur général ont été inaudibles, les choses sont en train de changer, on commence à s’apercevoir que l’organisation a un très haut niveau d’expertise, et que l’on ne peut pas réussir sans elle. Mais elle a perdu beaucoup de sa crédibilité du fait de son directeur général le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il a endossé le discours de la Chine pendant de nombreuses semaines sans prendre en compte ni les lanceurs d’alerte, ni les rumeurs sur ce qui se passait à Wuhan ou ailleurs, et a par la suite promu le modèle chinois de gestion de cette nouvelle maladie. Il a certainement retardé la prise de conscience au niveau mondial et la mise en place de mesures urgentes. Ce qui ne dédouane pas les grands pays développés de leurs responsabilités, eux non plus n’ont rien vu venir…

 

CT : L’OMS se trouve au centre de la conflictualité croissante entre les États-Unis et la Chine… Quels risques cette situation crée-t-elle pour l’OMS et pour les questions de santé dans le monde contemporain ? Quelle intervention serait souhaitable de la part des États et de ladite Communauté internationale ?

P. B. : Il me semble que cette phase de grande conflictualité entre les deux superpuissances va se diriger sur d’autres sujets, néanmoins elle peut avoir des conséquences sur le travail de l’OMS. Les États-Unis contribuent à plus de 20 % du budget total de l’OMS et ce ne sont pas les quelques millions de dollars que la Chine vient de proposer qui vont compenser la contribution américaine. Le président Trump change souvent d’avis, donc attendons…

Pour ce qui est des interventions, évitons le yaka, j’ai donné quelques pistes mais il est encore difficile de dire ce qui va se passer, tout dépend de la suite de cette épidémie. Va-t-elle durer encore des mois, des années ? Quelle sera son intensité ? Que vont faire les États ? L’OMS s’imposera-t-elle comme une institution incontournable ? Dans tous les cas, nous aurons besoin d’un système international solide, plus démocratique, avec une Organisation mondiale de la santé aux prérogatives étendues, et où la voix des peuples puisse se faire entendre.

27 avril 2020

Propos recueillis par

Francis Sitel

 

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