Mondialisation, métropolisation et santé humaine

4 questions à Albert Levy

Albert Levy est architecte, docteur en études urbaines et chercheur CNRS.

Voir dans ContreTemps N°45, son article « Urbanisme et santé : de l’hygiénisme à l’écologisme ».

 

ContreTemps : En quoi la mondialisation et la multiplication des métropoles sont-elles responsables des risques sanitaires nouveaux ?

 Albert Levy : Les risques sanitaires, à mon avis, sont de deux ordres, causés par le bouleversement de l’environnement et sa dégradation par nos activités qui sont à l’origine des deux grandes pandémies qui sévissent aujourd’hui.

a) La première est due aux zoonoses, les maladies infectieuses nouvelles émergentes, dont les épidémies se multiplient depuis 1980 (VIH, Ebola, Nipah, Sras, grippe aviaire… et maintenant Covid19). Elles viennent de virus d’origine animale, à cause de l’érosion de la biodiversité, de la destruction des écosystèmes et des biotopes par la déforestation, le braconnage, l’urbanisation galopante massive (en Asie et en Afrique), et par le système d’agriculture et d’élevage industriel intensif créé pour nourrir les villes. C’est cette proximité entre les habitats d’animaux sauvages et les lieux d’élevage industriels (avec parfois aussi des élevages d’animaux sauvages) et leur rencontre dans les espaces de marchés qui est, pour une bonne part, responsable de l’émergence de ces virus. Lesquels sont transmis depuis le réservoir d’une espèce sauvage à l’homme, via un animal domestique, lorsque la barrière des espèces est rompue. C’est le cas de la pandémie actuelle du Covid19. On sait qu’il vient d’un marché de ce type à Wuhan et on cherche encore aujourd’hui l’animal porteur de départ.

b) La seconde pandémie, c’est l’explosion mondiale des maladies chroniques, non transmissibles, à partir des années 1970, et avec leur expansion leur caractère épidémique a été reconnu par l’OMS en 2006. Ces pathologies nouvelles, dites maladies de civilisation, sont liées à notre mode de vie urbain, à notre alimentation ultratransformée, à nos comportements à risques, à la pollution chimique généralisée de notre environnement… Elles sont devenues la première cause de mortalité dans le monde.

En France, un tiers des personnes est touché par une maladie chronique (20 millions) entre 2003-2017, les ALD sont passées de 0,9 à 1,7 million de cas, les maladies cardio-vasculaires ont augmenté de 171%, le diabète de 94%, le cancer de 49%… et les maladies mentales touchent maintenant un cinquième des Français.

La pandémie récente du Covid19 ne doit donc pas cacher la seconde, et des études chinoises, anglaises, américaines ont montré les liens étroits de comorbidité entre les deux pandémies : les maladies chroniques (hypertension, obésité, diabètes, affections cardiaques, cancers…) affaiblissent le système immunitaire des malades et les rendent plus vulnérables au Covid19. L’âge n’est donc pas le seul facteur explicatif de la morbidité, même s’il est important.

La Seine-Saint-Denis, par exemple, a connu le plus fort taux de létalité dans la région,  à cause du pourcentage très élevé d’obésité constaté dans la population : on voit comment se croisent les inégalités socio-économiques, les maladies chroniques et les récents problèmes sanitaires.

Ces pandémies sont à mon avis liées à la mondialisation de deux manières : par les impacts écologiques énormes qu’a produit notre mode de production et de consommation, et par la rapidité de propagation favorisée par les modes de transport.

D’une part, la mondialisation, avec son idéologie néolibérale dominante et son récit de l’abondance pour tous (la mondialisation heureuse), veut faire du monde un seul marché, l’a réduit à un marché économique unique, avec des villes globales (New York, Tokyo, Londres, Hong Kong, Paris…), sièges des multinationales et des grandes banques qui contrôlent les flux et les échanges internationaux. Ces villes globales sont des nœuds au sein des réseaux où elles occupent des positions stratégiques de commandement et de direction avec pour objectif la croissance de la production et des profits.

Ce productivisme mondialiste, ou cette mondialisation productiviste, est basé sur une exploitation illimitée de la nature qui entraîne l’épuisement des ressources naturelles, l’érosion de la biodiversité, le dérèglement du climat par la consommation intense et la croissante des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz). Les villes sont en effet devenues les principales émettrices des gaz à effet de serre (pour 80%). Ce système productiviste/consumériste mondialiste néolibéral est un système non soutenable, qui est directement responsable de la crise écologique d’où est issue, pour une bonne part, la crise sanitaire d’aujourd’hui.

D’autre part, la mondialisation, avec son corollaire la métropolisation (« deux faces d’une même réalité » selon Pierre Veltz), et la multiplication des grandes métropoles de plus de 10 millions (appelées mégapoles) a produit une division internationale du travail qui a transformé l’Asie, et en particulier la Chine, en usine du monde, en raison des coûts avantageux de la main d’œuvre dans ces pays et la prolétarisation des masses paysannes déplacées dans les villes.

Les échanges intercontinentaux intenses, qui découlent de cette division internationale du travail, ont été favorisés par le développement des systèmes de transport, maritime, routier, aérien, grâce à l’abondance et au bas prix des énergies fossiles, et aux progrès techniques qui ont accéléré la vitesse et la quantité de marchandises et de personnes transportées. Avec aussi le développement de l’internet et des NTIC, ces modes de transport ont facilité la rapidité des échanges et des relations commerciales.

Cette interdépendance économique des pays, au niveau mondial, a entraîné et favorisé non seulement la circulation rapide des capitaux, des marchandises, mais aussi des virus, et des autres agents pathogènes, transportés par les humains ou les animaux.

Elle a rendu l’ensemble du système économique mondial, par cette interdépendance, très vulnérable à la moindre crise, financière ou sanitaire.

CT : L’urbanisation galopante en Chine, mais pas seulement, conduit à la destruction de nombre d’écosystèmes. Quelles sont les conséquences sur la santé, celle des humains, celle des animaux et celle de l’environnement en général ?

 A. L. : Ces phénomènes de mondialisation et de métropolisation, dont je viens de parler, sont exacerbés en Chine, qui est devenue championne de la globalisation, en s’en donnant tous les moyens, avec une industrialisation débridée et accélérée, et une urbanisation forcée, démesurée.

Il faut pouvoir se rendre compte de ce que signifie l’urbanisation en Chine, son ampleur, son rythme, la manière dont elle est menée : l’objectif est de faire de 1 milliard de paysans chinois des urbains en 2030, et pour cela, construire des centaines de villes pour les loger, leur donner du travail :

– L’urbanisation était de 20% en 1980, elle est passée à 50% en 2011, elle arrive à 60% aujourd’hui (soit 800 millions), pour atteindre 80% en 2050. Entre 12 à 20 millions de ruraux frappent aux portes des villes chaque année.

– C’est un colossal exode rural qui est organisé au pas de course par une planification urbaine hypercentralisée qui procède par reproduction de modèles urbains (on parle   d’ « architecture de photocopieuse »). Elle connaît aussi des ratés avec des dizaines de villes fantômes, vides. Certaines villes réalisées sont des pastiches grossiers, des copies simulacres de villes européennes dans leur forme et leur décor.

– 400 villes nouvelles ont été édifiées en 20 ans (20 par année). Tous les 6 mois se construit l’équivalent de la  région parisienne.

– Les mégapoles de plus de 10 millions, actuellement au nombre de 15, continuent de croître et des mégacités comme celle du Delta de la Rivière des Perles, une conurbation de 60 millions d’habitants, qui verra bientôt le jour.

– Il faut donc imaginer les masses colossales de matières premières et de matériaux nécessaires à cette urbanisation titanesque menée au pas de course (entre 2011-2013 les Chinois auraient utilisé  autant de ciment que les Etats-Unis en un siècle) : les quantités de sols artificialisés chaque année sont énormes et pour cela on n’hésite pas à araser des collines, à noyer des régions et des bourgs entiers pour faire des barrages, à déforester à grande échelle…

– Les infrastructures ont du mal à suivre ce rythme effréné de construction et tout cela se fait au prix d’une destruction terrible de l’environnement et d’une pollution qui entrave et empoisonne (au sens propre) la vie urbaine : trois millions de personnes en meurent chaque année, sans compter les centaines de millions de malades chroniques qui en souffrent.

– Le choix de l’automobile et les gigantesques réseaux autoroutiers urbains construits avec les milliers de centrales thermiques à charbon (la Chine consomme la moitié du charbon mondial) sont à l’origine de cette pollution de l’air endémique qui étouffe les villes (le dépassement est de 6 fois le seuil préconisé par l’OMS). La Chine représente  à elle seule près de 30% des émissions de GES dans le monde. Malgré cela, certains pensent et croient que la Chine est le seul acteur dans le monde qui a aujourd’hui la volonté et le pouvoir de résoudre la crise climatique, et sauver le monde.

– La pollution de l’eau est aussi très grave : la moitié des nappes phréatiques et des cours d’eau est contaminée. L’eau sera le défi majeur pour la Chine du XXIe siècle. L’assainissement des villes est déficient : 66% des Chinois n’ont pas accès à une eau salubre (soit 2/3 des 660 villes) ni à un système d’assainissement sûr (la situation est pire en milieu rural).

– La pollution des sols par les métaux lourds et les déchets reste également énorme (1,5 million  de km2 sont contaminés, soit 20% des terres cultivables) : la Chine produit 300 millions de déchets par an, dont seulement 20% sont recyclés.

C’est une urbanisation insoutenable qui est réalisée et qui a été qualifiée par le géographe Jean-François Doulet, spécialiste de la Chine, d’« horreur urbaine ».

Mais cette métropolisation massive, accélérée, est indissociable de l’agriculture intensive et de l’élevage industriel qui sont développés en même temps pour nourrir les villes, notamment la nouvelle classe moyenne qui s’y développe : des fermes-usines géantes de 10 000 à 100 000 vaches, des méga-élevages porcins dans des immeubles de 7 étages (on compte plus de 26 millions de porcheries qui produisent 1 million de porcs/an : le porc, on le sait, est une nourriture stratégique en Chine qui en consomme 56 millions de tonnes/an).

– 60% de l’élevage se fait dans ces exploitations géantes dont les rejets contribuent à la pollution des sols, des eaux, de la flore et la faune : un impact prédateur considérable sur tout le vivant, sur les écosystèmes, l’environnement, qui s’ajoute aux effets délétères du bétonnage à grande échelle de l’urbanisation massive. Chaque année, 2500 km2 de terres cultivables sont perdues par la pollution et la désertification.

– Par leur taille, leur état, leur gestion, ces fermes-usines sont aussi très sensibles aux événements infectieux : l’an dernier 200 millions de porcs ont été abattus à cause de la peste porcine qui s’y est répandue.

– Avec 22% de la population mondiale, la Chine ne possède que 9 % des terres arables, d’où le recours massif aux intrants chimiques et aux OGM  pour accroître la productivité des sols, au prix de leur érosion et de la perte de la biodiversité.

Ces élevages industriels, plus la chasse et la commercialisation d’animaux sauvages (élevés parfois dans des fermes), très utilisés dans l’alimentation et la pharmacopée – une tradition culturelle ancestrale chinoise qui reste difficile à combattre – se côtoient souvent dans des marchés insalubres, dits « marché humides » (comme à Wuhan).

Avec la destruction de la biodiversité, ce voisinage dangereux entre élevage industriel d’animaux domestiques et animaux sauvages, et leur proximité dans les marchés, est, pour une bonne part, à l’origine des virus en Chine : grippe asiatique en 1957, grippe de Hong Kong en 1968,  grippe aviaire H5N1 en 1999, SRAS en 2003, Grippe aviaire H7N9 en 2013, Covid en 2019. Et on attend le prochain virus….

C’est tout le système de santé publique, de l’hygiène publique en particulier en matière d’assainissement et de sécurité alimentaire et vétérinaire qui est en question ici.

Plus que de l’Institut de virologie de type P4, construit à Wuhan avec l’aide de la France, c’est  d’une agence sanitaire efficace type ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire et alimentaire de l’environnement et du travail) dont la Chine a, me semble-t-il, le plus besoin aujourd’hui.

 

CT : La crise actuelle invite-elle à réinventer l’hygiénisme tel qu’il s’est imposé en Europe à partir du XIXème siècle, conduisant à restructurer les villes ?

 A. L. : L’hygiénisme fut introduit en Europe au XIXème siècle, appelé le siècle d’hygiénisme par son importance et par son impact dans cette période. C’est à cause de l’état d’impuissance où se trouvait la médecine pour comprendre et juguler les épidémies de maladies infectieuses à répétition (typhoïde, variole, choléra, diphtérie, tuberculose…) qui ravageaient la population, qu’on a recouru à l’hygiène, à l’environnement et l’espace, d’une manière empirique d’abord, à titre prophylactique. Même après la révolution pastorienne et la découverte des principaux germes infectieux (avec la contribution allemande de R. Koch), on mettra du temps à trouver les vaccins et les antibiotiques pour les terrasser, ils ne viendront que plus tard, après les années 1950, la place de l’hygiénisme restera dominante pendant ce temps.

En attendant, comme durant le Moyen Âge, on a fait appel à des méthodes spatiales d’isolement, de quarantaine, de confinement, de surveillance (que M. Foucault a  classé en exclusion et quadrillage), et plus tard, avec le pastorisme, on utilisera des procédés de désinfection, d’aseptisation… C’est dans ce contexte sanitaire que le milieu urbain, jugé insalubre et malsain, responsable de la production et la propagation des germes pathogènes (on pensait, avant Pasteur, que c’était les miasmes dégagés par toutes les matières organiques en putréfaction rejetés dans les rues et les cours qui en étaient l’origine) a été amené à être transformé.

L’espace urbain a alors fait l’objet d’une vaste intervention d’assainissement (adduction d’eau, égouts, espaces verts, percées, ramassage des déchets…), puis de transformation par un urbanisme hygiéniste, chirurgical, pour changer radicalement la vieille forme urbaine jugée insalubre, en faisant éclater les îlots des tissus urbains anciens afin de faire entrer l’air, le soleil et la lumière partout pour aseptiser l’espace, en tuant les germes,  un tissu ouvert, avec des constructions en hauteur, qui caractérise la forme de la ville moderne.

C’est la situation sanitaire dans laquelle on se retrouve aujourd’hui : malgré ses avancées fulgurantes, la médecine n’est pas en mesure actuellement de répondre thérapeutiquement à la pandémie du Covid19 – et face, également, à la fragilisation de l’hôpital public par les politiques néolibérales irresponsables qui ont été menées –  on a dû recourir aux méthodes spatiales traditionnelles hygiénistes de surveillance, de quarantaine, de confinement, distanciation, désinfection, lavage… améliorées par les technologies modernes de surveillance par traçage, reconnaissance faciale, drones… (très appliquées en Chine), en attendant la mise au point du vaccin.

Quel changement urbanistique est-il nécessaire aujourd’hui de faire pour lutter contre le Covid19 ? On commence à voir et entendre ici et là, les premières critiques contre la mondialisation et la métropolisation, une interrogation du modèle urbain métropolitain hégémonique, on remet en cause la densification, l’habitat à revoir… nous en sommes aux prémices.

De même, face aux maladies chroniques dues à la dégradation de notre environnement de vie, à notre alimentation ultratransformée, notre agriculture productiviste…, on observe un néo-hygiénisme qui s’amorce, et qui reste encore à développer, et qui a pour objectif de nettoyer, décontaminer l’environnement (des substances chimiques toxiques qui l’empoisonnent, comme les PE par exemple), dépolluer les milieux urbains et ruraux (air, eau, sol), développer une agriculture bio sans pesticides ni herbicides (changer de système agricole) etc. Toutes ces actions sont de type hygiéniste: de même, pour les recommandations diffusées pour nous inciter à changer de mode de vie, nos comportements à risques  (tabac, alcool, drogues…), adopter un régime alimentaire équilibré, une vie plus frugale, moins de sédentarité et plus d’exercices…

Au total, la notion d’environnement prise en compte a évolué d’une époque à l’autre : alors que dans la démarche hygiéniste l’environnement est saisie comme un milieu dangereux rendu pathogène, toxique, insalubre, malsain, contaminé, à isoler, à nettoyer, à désinfecter, à assainir, voire à transformer… Dans la démarche écologiste, l’environnement est compris comme un écosystème complexe menacé de dégradation, de destruction, à protéger, dont il faut préserver la diversité, la complexité, l’interdépendance des espèces (faune et flore), en sauvegardant ses caractères et sa richesse pour favoriser le vivant (discours des défenseurs de la biodiversité) ; respecter les interactions entre santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes, c’est la démarche médicale One Health ou Santé globale préconisée par l’OMS, pour éviter la propagation des zoonoses.

CT : Cette même crise vous paraît-elle devoir amener à repenser l’aménagement des territoires et l’urbanisme de demain ?

 A. L. : Absolument. Il faut freiner les dynamiques inégalitaires et antiécologistes de la métropolisation et de l’urbanisme qui la sous-tend et leurs conséquences sur le plan de la santé, il faut repenser aujourd’hui l’aménagement des territoires et l’urbanisme dans un sens durable et favorable à la santé : concevoir une ville soutenable qui intègre les préoccupations écologiques et sanitaires. Le développement durable, dont la ville durable est la traduction spatiale, repose sur trois piliers, économique, social et environnemental. Un quatrième pilier me semble cependant indispensable, à prendre en compte, le pilier politique ou démocratique, si on ne veut pas réduire la ville durable à un simple objet technique, à un pur espace technique neutre performant – appelé aussi éco-city ou smart city – amputé de tout projet d’émancipation politique, en faire une marchandise comme une autre, exportable partout.

De nombreuses agences d’urbanisme dans le monde se sont spécialisées dans ce marché juteux des villes durables et vendent sans état d’âme des éco-cités, clés en main, à de nombreux pays autoritaires ou à des dictatures, qui sont surtout partiellement occupées par une classe moyenne aisée et favorisée (voyez Masdar à Abou-Dhabi).

La Chine, qui a pris conscience de la détérioration de son environnement, cherche aujourd’hui à se doter de telles villes durables. Elle expérimente, par exemple, des villes-éponges pour lutter contre les inondations, liées au changement climatique, qui restent des propositions techniques, voire esthétiques, très intéressantes.

Cela pose la question de savoir ce qu’est une ville, qui n’est pas qu’un simple lieu de production et de consommation, même soutenable.

Voici, à titre d’illustration, quelques grandes lignes d’action, sans être exhaustif, pour repenser l’aménagement et l’urbanisme.

– Sur le volet social des inégalités : il faut revoir l’aménagement du territoire qui privilégie les métropoles (interconnectées par TGV), au détriment des autres villes, petites et moyennes, et des territoires ruraux, qui crée une fracture entre une France des métropoles qui gagne et une « France périphérique » (Christophe Guilluy) qui décline, entre le centre prospère et riche des métropoles et les espaces périurbains sous-équipés délaissés et les quartiers sensibles pauvres et relégués. Ces inégalités et fractures territoriales sont à l’origine des violences récurrentes dans les banlieues et du récent mouvement des Gilets jaunes qui a secoué le pays l’an dernier.

– Sur le volet écologique : contre l’épuisement des ressources, il faut revoir le métabolisme urbain et opter pour une économie plus frugale et circulaire (zéro déchets) ; contre l’extinction de la biodiversité, c’est toute la chaîne de consommation alimentaire qu’il faut reconsidérer et donc tout le système agro-industriel actuel ; contre  le dérèglement du climat, il faut renoncer aux énergies fossiles et se tourner vers les énergies renouvelables à développer, par un mix énergétique, en agissant sur tous les secteurs urbains (habitat, tertiaire, transport, industrie, traitement déchets…) par une politique de transition écologique et énergétique pour tendre vers la ville  zéro carbone.

– Sur le volet politique, il faut approfondir la démocratie et renforcer la démocratie locale participative en particulier par des réels systèmes de co-décision.

– Sur le volet sanitaire : il faut placer la santé environnementale et ses impératifs au centre du système de santé publique à refonder, qui n’est pas qu’un simple système de soin, pour refaire de l’urbanisme une composante fondamentale de la santé publique.

Si certains aspects de la santé dépendent d’actions locales et nationales, d’autres comme le changement climatique et ses effets sanitaires, ou ces nouvelles maladies infectieuses émergentes à caractère pandémique, qui viennent d’ailleurs (VIH pour l’Afrique, Covid19 pour la Chine), ne trouveront de réponses qu’au niveau international, par une coopération internationale.

Je conclurai par une observation sur la mondialisation qui a créé le mythe d’un monde humain commun. La mondialisation n’a créé en réalité qu’un marché mondial économique et financier et rien d’autre. Attention donc à ne pas tomber dans cette illusion du « nous », lorsqu’on parle de climat ou de santé, ou lorsqu’on parle d’écologie avec les expressions « notre planète », « notre Terre »…, faisant croire à l’existence d’une communauté humaine unique, d’une humanité homogène préoccupée par les mêmes problèmes, qui partagerait les mêmes objectifs, poursuivrait les mêmes finalités…

Au-delà de l’unité fictive que la technique et les technologies (NTIC), internet et les réseaux sociaux, ont aussi contribué à faire naître, nous avons à faire à une pluralité de « mondes », de blocs culturels et politiques hybrides très différents (le monde occidental – lui même aujourd’hui divisé -, le monde chinois, le monde indien, le monde africain – dans sa diversité -, le monde arabo-musulman, etc ) qui sont loin de partager les mêmes conceptions des droits de l’homme, les mêmes valeurs, les mêmes postulats civilisationnels, les mêmes rapports à la nature, et qui poursuivent des politiques singulières  conformes à leurs visions du monde et à leurs intérêts propres, donnant lieu sur la scène internationale à des rivalités, des conflits, parfois à des accords et des consensus. Outre la compétition économique pour la domination des marchés, ces divers blocs s’opposent entre eux géopolitiquement et les institutions internationales ne sont que des caisses de résonance de ces confrontations. Une société civile internationale, incarnant un véritable « nous », avec une véritable conscience mondiale, peut-elle se développer au niveau planétaire  à partir des mouvements antimondialiste ou altermondialiste (Attac) par exemple ? Elle reste encore à construire, selon moi.

 

 

 

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